Lier les coûts-contrats à des critères d'intérêt général ? (OFCE)
Chercheur à l'OFCE, Bruno Coquet préconise de lier les coûts-contrats d'apprentissage à des critères d'intérêt général.
Par Sarah Nafti - Le 21 juillet 2023.
« L'envolée des entrées en apprentissage dans le sillage de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel est remarquable », constate Bruno Coquet, chercheur à l'OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques) dans la publication « Apprentissage : un bilan des années folles », parue en juin dernier. Ce succès s'appuie sur deux ressorts, explique-t-il : « d'une part, la réforme structurelle qui a remis à plat la politique d'apprentissage en 2018 ; d'autre part, l'aide exceptionnelle très généreuse et non-ciblée créée mi-2020 dans le cadre du Plan de relance ». Fin 2022, il y avait 543 000 apprentis de plus qu'en 2018. « Nous estimons que la réforme de 2018 aurait contribué à hauteur de 20 % à cette hausse (+80 000) mais que l'aide exceptionnelle est à l'origine de l'essentiel des embauches d'apprentis (+460 000) ».
La réforme en augmentant l'âge maximal d'entrée en apprentissage et en simplifiant le contrat et les aides à l'employeur a été « très soigneusement conçue ». Mais les effets produits « ne sont pas toujours ceux prioritairement recherchés ». Ainsi, les diplômes infra-bac contribuent peu à la hausse du nombre de contrats alors que les apprentis préparant un diplôme du supérieur représentent l'essentiel de l'augmentation, dès 2019.
Retour en arrière
En juillet 2020, une aide exceptionnelle à l'apprentissage est créée, accessible à la quasi-totalité des apprentis et des entreprises. Cette aide va faire progresser l'embauche d'apprentis de l'enseignement supérieur, devenus majoritaires dès 2020. En 2023, la fusion de l'aide exceptionnelle et de l'aide unique « acte explicitement le retour en arrière par rapport aux objectifs de 2018 ». En aidant davantage les apprentis et les employeurs qui en ont le moins besoin, et moins ceux dont le risque de chômage est le plus fort, elle perd sa vocation d'aide à l'insertion dans l'emploi de publics fragiles.
Coût nébuleux
Le coût de cette réforme reste « nébuleux ». Le ministère du Travail l'estime à 11,1 Md€ en 2021 et France Compétences à 21,6 Md€. Avec ses propres calculs, l'OFCE chiffre lui cette dépense à 15,7 Md€ en 2021, et 19,9 Md€ en 2022. En 4 ans, « le coût unitaire moyen a fortement progressé, de 14 403 € à 22 736 € par an (+57,9 %) ». Sans l'aide exceptionnelle, « le coût de la politique d'apprentissage aurait été de 10,6 Md€ en 2021 et 12 Md€ en 2022 ».
L'Etat dépense plus que nécessaire
Pour l'OFCE, « l'État dépense bien plus qu'il serait nécessaire pour une politique d'apprentissage correctement dotée ». Il propose de revenir à l'esprit de la réforme de 2018, en incluant certaines améliorations : La nouvelle aide unique doit être revue, pour éviter son usage intensif dans le supérieur. L'objectif du million d'entrées en apprentissage par an « devrait être oublié » car « il implique de dénaturer le dispositif ». Les coûts-contrats « pourraient être revus, notamment en les liant plus étroitement à des critères d'intérêt général – par exemple l'insertion ou les difficultés de recrutement ». « Le gain à en attendre est au minimum de 4,1 Md€ si l'aide ne change rien aux embauches d'apprentis, 7,9 Md€ par an en retenant une part d'effet de substitution, infiniment plus si l'on se projette à long terme en incluant les droits sociaux qui s'attachent aux contrats d'apprentissage. »