Le ministère du Travail muscle le système qualité de la formation
La réflexion menée depuis un an par le ministère du Travail avec les parties prenantes du système qualité de la formation se concrétisera prochainement par la publication de textes réglementaires. D'autres initiatives sont attendues courant 2024 pour optimiser les politiques de contrôle.
Par Catherine Trocquemé - Le 24 novembre 2023.
Le nouveau système qualité né avec la réforme de 2018 a montré ses failles dans un contexte de forte croissance du marché de l'apprentissage et de la formation. Le ministère du Travail s'est emparé de ce sujet aussi sensible que complexe. Piloté par la rue de Grenelle, un cycle de réflexion avec les différentes parties prenantes s'est engagé il y a un an. Aux yeux du ministère, seule cette approche globale et collégiale garantira l'efficacité d'un système articulé autour de trois grands leviers : la qualité de l'organisation et des process du prestataire de formation certifiée par l'audit Qualiopi, le respect de ses obligations légales et le contrôle de la réalisation de l'action de formation. Les axes d'amélioration définis collectivement par le groupe de travail portent des enjeux réglementaires avec la publication de nouveaux décrets attendue d'ici la fin de l'année et des enjeux plus opérationnels de mutualisation des informations et d'une meilleure coordination des politiques de contrôles des financeurs.
Renforcer les prérogatives des Opco en matière de contrôle
Avec la libéralisation de l'apprentissage, le marché s'est emballé. Le nombre des apprentis atteint le niveau record de plus de 800 000 apprentis et celui des CFA est passé d'à peine plus de 500 en 2017 à environ 3 000. Face à cette dynamique inédite, des voix s'élèvent pour dénoncer certaines dérives sans toujours pouvoir les objectiver. De leur côté, les opérateurs de compétences (Opco) relèvent des points de vigilance sans disposer de moyens d'actions adaptés. Un décret attendu d'ici la fin de l'année renforce leurs prérogatives en cas de manquements ou d'obstacles au contrôle. Le texte permettra ainsi aux Opco d'approfondir le contrôle de service fait en demandant des pièces supplémentaires ou en réalisant un contrôle sur place. Le CFA ne pourra pas s'y soustraire. Et en cas de dysfonctionnements multiples, l'établissement pourra voir son paiement suspendu ou se voir refuser de nouvelles prises en charge.
Sécuriser les processus du dispositif Qualiopi
La certification Qualiopi se veut un des piliers du système qualité de la formation. Cet audit réalisé par un organisme certificateur accrédité par le Cofrac (Comité français d'accréditation) sur la base d'un référentiel national porte sur les process des organismes de formation. Mis en place au pas de charge, le dispositif a su faire face à l'afflux de demandes. Selon la dernière enquête de la Dares un peu plus de la moitié d'entre eux sont aujourd'hui certifiés ou engagés dans la démarche. Toutefois, le groupe de travail propose des ajustements pour sécuriser les processus d'accréditation par le Cofrac et d'audit. Un projet de décret impose ainsi de nouvelles obligations aux organismes certificateurs et la 8éme édition du guide de lecture précisera des points potentiellement sujets à une mauvaise interprétation par les accompagnateurs et les auditeurs. Les attendus de certains indicateurs y seront explicités. C'est le cas, par exemple, des exigences de la conformité des formations certifiantes avec les objectifs de la certification professionnelle visée. Cette mise au point intervient alors que l'on s'attend à un nouvel appel d'air né de l'obligation à venir pour les sous-traitants intervenant sur le marché du CPF d'obtenir la certification Qualiopi.
Optimiser les politiques de contrôle
Un volet plus opérationnel de l'amélioration du système qualité reste ouvert. Sources de confusion et de doublons inutiles, les politiques de contrôle doivent gagner en efficacité et en lisibilité. Ce travail de simplification, de mutualisation et de coordination acté par le groupe de travail se fera en plusieurs étapes. Cet effort passe par un échange d'informations – dont la granularité des données reste à préciser- plus fluide entre les financeurs via la plateforme Agora. Toujours en cours de construction, un référentiel commun réinterroge le contenu des contrôles. Jugée critique par le ministère du Travail, la mesure du résultat d'une formation en matière d'accès à l'emploi sera reprise en main par l'Etat courant 2024. Les données jusqu'ici collectées par les propriétaires de certifications professionnelles pour répondre aux attendus de France compétences souffrent d'une méthodologie disparate. Le groupe de travail poursuivra son cycle de rencontres et d'ateliers afin d'oeuvrer collectivement au renforcement du système qualité.