Le marché de la formation à la croisée des chemins
L'année 2023 confirme le retournement du marché dans un contexte d'accès au capital tendu et de ralentissement économique. Plus exigeantes, les stratégies des prestataires de formation se structurent autour des enjeux des transitions professionnelles, de l'innovation technologique et de la conquête du leadership.
Par Catherine Trocquemé - Le 09 janvier 2024.
L'euphorie post-covid est derrière nous. Si le marché de la formation résiste plutôt bien au ralentissement économique et à la contraction des investissements dans l'Edtech, il devient plus exigeant. Le renforcement de la régulation sur les fonds publics et mutualisés impose des process plus rigoureux. En 2024, l'évolution du système qualité et des politiques de contrôle devrait encore davantage mettre la pression sur les prestataires de formation. Dans le même temps, les nouvelles technologies avec l'accélération de l'IA continuent de transformer, à marche forcée, leurs modèles économiques et leur offre. Dans l'Edtech, des acteurs de référence s'affirment en France et à l'international et peuvent, plus que jamais, se saisir du leadership. Conscients du potentiel disruptif de ces modèles de plateformes digitales, les organismes de formation traditionnels ripostent en accélérant leur développement et en s'appuyant sur leur savoir-faire et la diversité de leur offre. Entre eux, une course de vitesse s'est engagée.
L'Edtech sous tension
Pour l'Edtech, 2023 aura été la douche froide. Après le record absolu des levées de fonds de l'Edtech en 2021, la décrue se confirme. De 434 millions d'euros, le montant des tours de table en France chute à 135 millions d'euros en 2022 pour atteindre péniblement 43 millions d'euros au premier trimestre 2023. Nourrie par la hausse des taux d'intérêt, la crise du secteur de la tech et le ralentissement économique, cette frilosité des investisseurs change la donne pour les start-ups. Après le temps de l'hypercroissance, vient celui de la maturité. Sous la pression de leurs actionnaires, les pionnières doivent créer les conditions de leur rentabilité et clarifier leur positionnement sur le marché. Au printemps 2023, OpenClassrooms rationalise son modèle de gestion et met en place un plan de départ volontaire se séparant ainsi de 25% de son effectif. Sur cette base, la start-up projette sa future croissance en France et à l'international. « Une révolution est en cours dans le domaine du recrutement qu'il faut désormais approcher par les compétences. L'alternance fait partie des réponses. Sur notre plateforme, nous allons rendre plus visible nos offres à destination des employeurs », confirme Mathieu Nebra, co-fondateur d'OpenClassrooms. L'autre pépite de l'Edtech française, 360Learning oriente sa stratégie vers la gestion des compétences avec l'ambition clairement affichée par son fondateur Nick Hernandez de viser « une place de leader mondial sur le marché des plateformes de formation ». L'accélération des technologies de l'IA lui en donne l'occasion. En rachetant le spécialiste de la gestion des compétences eLamp en octobre 2023, l'offre de la start-up couvre désormais toute la chaîne de valeur d'une stratégie de formation.
La course au leadership toujours ouverte
Si l'Edtech entre dans une période plus tendue, elle s'impose aujourd'hui dans le paysage, sans retour en arrière possible. Face à cette offensive, les organismes de formation traditionnels ne restent pas les bras croisés. A commencer par le leader historique, Cegos. Après la prise de participation à son capital du fonds d'investissement Bridgepoint, le groupe concentre ses efforts sur son efficience opérationnelle et la conquête de parts de marché en France et à l'international mettant en avant son savoir-faire en matière de programmes de formation à grande échelle, en présentiel et à distance. Sa feuille de route établie à horizon 2025 prévoit des opérations de croissance externe. Après l'acquisition du spécialiste des reconversion professionnelle Next group, Cegos reste en veille. « Nous cherchons à couvrir de nouvelles offres métiers comme ceux de l'assurance ou de la banque », confirme son président, Benoît Felix. D'autres acteurs se montrent actifs sur ce marché où les fusions-acquisitions annoncent une phase de consolidation. Certains issus de l'enseignement supérieur se livrent une compétition de plus en plus âpre. Le numéro 1 Galileo Global Education doit composer avec les ambitions d'Omnes Education détenu depuis 2019 par le fonds d'investissement Cinven. Pour élargir son offre et ses implantations, le groupe n'hésite pas à créer de nouveaux campus et à s'offrir des start-ups innovantes comme DataScientest. « Nous continuons à étudier des dossiers en lien avec notre stratégie. Nous sommes soutenus par nos investisseurs qui conservent un réel intérêt pour le secteur », confirme Baudouin de la Morinière, directeur de la stratégie et des fusions-acquisitions au sein d'Omnes Education. D'autres issus du secteur de l'intérim investissent de plus en plus le champ de la formation et des transitions professionnelles. Le géant suisse Adecco noue un partenariat avec Microsoft pour renforcer sa stratégie en matière d'IA générative et créer un outil de pilotage des compétences dans un contexte de grande mutation des métiers. « Nous développerons au premier semestre 2024 une plateforme de carrière en nous centrant, dans un premier temps, sur les métiers les plus fragiles », confirme Hélène Jonquoy, directrice du digital et de l'innovation au sein du groupe Adecco. Amorcée ces deux dernières années, la structuration du marché pourrait se concrétiser en 2024.