Houda Soltani et Valérie Michelet, juristes seniors, pôle droit et politiques de formation de Centre Inffo.
Les prérogatives de contrôle des financeurs se renforcent
Pointée du doigt sur les marchés de l'apprentissage et du CPF, la qualité de la formation devient un sujet prioritaire pour le ministère du Travail. Première pierre d'une structuration des politiques de contrôles, un décret paru fin 2023 donne davantage de pouvoir aux financeurs, ouvre la voie à la mutualisation et au partage d'informations.
Par Catherine Trocquemé - Le 18 avril 2024.
Le décret du 28 décembre 2023 sur les nouvelles prérogatives de contrôle des financeurs a fait moins de bruit que celui encadrant la sous-traitance sur le CPF. Pourtant, il marque un premier pas vers une consolidation d'un système qualité qui a montré ses limites sur des marchés dynamiques et libéralisés. Lors du Club du droit du 16 avril, les juristes de Centre Inffo, Valérie Michelet et Houda Soltani, reviennent sur les conséquences et la portée de ce texte réglementaire. « Le décret concerne tous les financeurs. Il élargit le périmètre et l'objet des contrôles. Il prévoit également des sanctions », précise Houda Soltani, juriste sénior au sein de pôle droit et politique de formation de Centre Inffo. Avec ce décret, les opérateurs de compétences voient leurs prérogatives renforcées, notamment dans le champ de l'apprentissage.
Les contrôles s'ouvrent à l'apprentissage
Ils peuvent procéder à des contrôles sur place et réaliser conjointement un contrôle de service fait et un contrôle qualité. Les juristes rappellent la distinction entre les différents types de contrôles dont les frontières paraissent parfois floues. Le contrôle de service fait conditionne le financement de la formation et s'exerce sur présentation de pièces justificatives comme les factures relatives à la prestation réalisée, les relevés de dépenses supportées par l'employeur ou encore le certificat de réalisation. L'organisme de formation peut aussi se faire contrôler sur le respect de ses obligations légales et conventionnelles. Il s'agit par exemple de vérifier le numéro de déclaration d'activité, le bilan pédagogique et financier à jour, le règlement intérieur ou encore l'information aux stagiaires. Le contrôle qualité s'attache au respect des critères liés au référentiel qualité.
Risque de refus de prise en charge
Le texte réglementaire ne se contente pas d'élargir le périmètre et l'objet des contrôles. Le décret donne du poids aux contrôles en prévoyant des sanctions. En cas d'anomalies, de dysfonctionnements, d'opposition au contrôle ou encore de pièces manquantes, les conséquences peuvent être lourdes pour un prestataire de formation. Il risque en effet un refus de prise en charge et ce, à deux niveaux. Lors du process d'instruction des demandes de prise en charge, les éléments résultant du contrôle peuvent peser sur la décision finale. Les opérateurs de compétences peuvent également refuser de prendre en charge les dépenses liées aux actions de formation mises en cause par un contrôle.
Vers la mutualisation des contrôles
Autre volonté politique portée par ce décret, celle de rendre les politiques de contrôles plus efficaces et cohérentes. Le projet de mutualisation fait son chemin. Un ou plusieurs organismes financeurs peuvent ainsi mandater une structure ou se coordonner pour réaliser des contrôles. Par ailleurs, le décret ouvre la voie à un partage organisé d'informations et de signalements au sein de l'écosystème. L'apprentissage y est directement ciblé. Les opérateurs de compétences doivent ainsi alerter les services de l'Éat de tout manquement par un prestataire ou un employeur. Ils devront également signaler aux services chargés du contrôle pédagogique de l'apprentissage toute incohérence entre le contenu de la formation proposée et le référentiel de compétences du diplôme concerné.
Le sujet des contrôles sera abordé lors de la master class organisé le 25 avril par Centre Inffo