Une IA efficace réclame quelques efforts

Alors que l'ampleur des investissements dans le secteur de l'intelligence artificielle fait craindre l'éclatement d'une « bulle IA », deux études explorent les conditions d'un déploiement de l'IA à hauteur des attentes. Présentation.

Par - Le 30 septembre 2024.

L'intelligence artificielle agace, augmente, remplace, … ? Tout dépend des conditions d'implémentation, répond l'étude des impacts de l'IA sur le travail réalisée par le LaborIA Explorer. Créé par le ministère du Travail et l'Inria, ce laboratoire de recherche-action s'est lancé dans une enquête visant à mieux comprendre les mécanismes d'appropriation et d'usage des systèmes d'intelligence artificielle (SIA) au sein d'organisations de travail publiques et privées. Il en ressort premièrement qu'une prise en compte insuffisante du coût d'entrée et d'usage pour les salariés est source de déception.

Apprendre l'IA

Le rapport le souligne, « les interactions humain-machine impliquent des périodes d'apprentissage prolongées et incertaines. » A contrario d'un dispositif « aux fonctionnalités fixes et d'emblée opérationnelles », l'IA présente un « caractère apprenant et évolutif » qui rend l'humain « autant maître d'apprentissage de l'IA que bénéficiaire de sa performance. » Or, la non-reconnaissance de ce travail de supervision et d'entraînement, qui fonde la compétence à utiliser l'IA, est « un facteur désengagement et d'échec des projets de déploiement de SIA. »

IA capacitante

En plus de la reconnaissance d'une compétence IA, le rapport appelle aussi à mieux penser l'impact de l'IA sur le travail. Objet d'un « dialogue social technologique », le déploiement des SIA doit respecter cinq fondamentaux : partir du travail réel plutôt que du travail prescrit ; s'inscrire dans une co-conception et un dialogue continu ; être au service de la sécurisation des travailleurs ; lutter contre l'effet boîte noire en rendant les IA explicables ; apprendre chemin faisant en acceptant l'imprévisible et l'inattendu.

Potentiel de croissance

Autre éclairage avec le rapport de la Fondation Concorde sur l'IA et l'emploi, qui promet un gain de 220 à 240 milliards d'euros de PIB annuel d'ici 10 ans. Soit une hausse de 9 % directement liée au déploiement des IA génératives, qui reposerait principalement sur une augmentation de la productivité, le temps libéré par l'automatisation de certaines tâches et réutilisé pour d'autres activités à valeur ajoutée. Bémol, la réalisation de ce scénario implique une montée en compétences.

Au-delà des compétences numériques

Certes, en matière de formation, le rapport estime que la facilité d'utilisation des IA génératives entraîne un besoin de montée en compétences numériques limité par rapport aux avancées technologiques antérieures. Mais ceci, pour peu que l'on détienne bien les compétences numériques de base. Or, souligne la Fondation Concorde, « en 2023, seulement 62 % des Français de 16-74 ans les possédaient alors qu'elles étaient requises dans 90 % des annonces de postes professionnels. » À noter que selon une étude sur l'impact du recours à l'IA pour la réalisation d'une tâche écrite[ 1 ]Noy et Zhang, 2023, citée par le rapport., ce sont les personnes les moins qualifiées et les moins productives qui bénéficient le plus du recours à l'IA. Un peu, relève le rapport, comme lors de l'adoption des GPS par les chauffeurs de taxi : ceux qui connaissaient la ville ont eu peu d'impact, la productivité des autres a explosé. Le progrès technologique peut à la fois pallier un déficit de compétences et dévaloriser une compétence jusqu'ici réputée discriminante. Au-delà de la question des compétences numériques, le rapport insiste aussi sur l'importance des compétences créatives, managériales et analytique pour un déploiement optimal des IAG.

IA Nation

Si la France aime mettre en avant la qualité de son appareil de formation scientifique démontrée par la forte présence de ses ressortissants  dans la Silicon Valley, reste que les entreprises françaises accusent un retard en matière d'adoption de l'IA par rapport à leurs homologues européennes : selon l'Implement Consulting Group, en 2023, ce sont ainsi 21 % de nos grandes entreprises et 5 % de nos PME qui avaient adopté l'IA contre 30 % et 7 % pour l'ensemble de l'Union. Comme d'autres, le rapport de la fondation Concorde appelle à s'appuyer sur la formation pour mettre l'ensemble des Français au diapason de l'IA. Dans cet objectif d'acculturation, le rapport suggère de ne pas traiter l'IA comme une discipline à part mais d'intégrer une composante IA dans toutes les formations scolaires et universitaires, mais aussi professionnelles et continues, « pour bâtir un capital humain et une main-d'œuvre maîtrisant l'IA. »

Enfin, même si la France dispose d'entreprises prometteuses dédiées à l'IA, le rapport souligne qu'elle ne se hissera pas seule au rang des « géants mondiaux » que sont les États-Unis et la Chine. Tant en termes d'activité commerciale, de disponibilité des financements que de volume de R&D, « la France dépendra d'initiatives européennes. »

Notes   [ + ]

1. Noy et Zhang, 2023, citée par le rapport.