Métiers de demain, métiers en tension ?
Le webinaire sur les métiers de demain tenu dans le cadre des Semaines de l'évolution professionnelle organisées du 7 au 18 octobre par l'Apec et Avenir Actifs a montré le poids grandissant des tensions de recrutement. L'évolution du rapport au travail des actifs augure d'ajustements difficiles à trouver.
Par Nicolas Deguerry - Le 11 octobre 2024.
D'abord un rappel de Quentin Chisin, coordinateur pédagogique Mon CEP par Avenir Actifs en Bourgogne Franche-Comté, la discussion sur les métiers de demain est indissociable du contexte des tendances du marché du travail depuis les années 70. Soit et pour la France, 40 ans d'un taux de chômage élevé avec des pointes à 11 % et, par suite de la crise Covid-19, un marché du travail profondément impacté : hausse des salaires, demande accrue dans secteurs secteurs et taux de chômage à 7,5 %, niveau considéré comme « bas au regard des standards français. » Conséquence : une montée en puissance de la thématique des « métiers en tension », révélatrice de déséquilibres entre offre et demande d'emploi. Le contexte, c'est aussi un changement dans le rapport au travail qui rend les ajustements toujours plus compliqués.
Impossible adéquation ?
Comme l'explique Cécile Jolly, cheffe de projet à France Stratégie en charge des mutations de l'emploi et de la prospective des métiers et des qualifications, il faut désormais traiter des « questions multidimensionnelles » comme l'attractivité, le salaire, les conditions de travail, le statut dans l'emploi ou la recherche d'une meilleure adéquation avec les valeurs personnelles. L'édition 2023 du baromètre de la formation et de l'emploi Centre Inffo le confirme, avec un podium des motivations au désir de reconversion plaçant en tête rémunération (28 %), quête de sens (26 %) et souhait d'une nouvelle orientation (22 %). Autant de dimensions qui peuvent faire obstacle à la satisfaction des besoins de recrutement exprimés par le marché du travail quand celui-ci met en avant, par exemple, le secteur de l'aide à domicile qui cumule nombre de contraintes rejetées par les actifs.
Si les études de France compétences et de la Dares témoignent d'une insatisfaction au travail qui se manifeste de plus en plus tôt - 35 % des 25-34 ans préparent une reconversion contre 21 % des actifs -, il est probable que nombre de métiers dits en tension sont précisément ceux que le travailleur contemporain cherche à éviter. Problématique quand la notion de « métiers de demain », thème du webinaire proposé par l'Apec et Avenir Actifs, recoupe largement la notion de métiers en tension. D'autant plus que Cécile Jolly dessine un horizon 2030 qui voit se renforcer ces tensions du simple fait démographique, avec le départ à la retraite des « boomers » qui s'ajoute à la baisse de la fécondité.
Métiers de service
Selon les projections de France Stratégie et de la Dares, ce sont d'une part les ingénieurs et cadres du privé[ 1 ]Principalement les ingénieurs informatique, les cadres commerciaux et technico-commerciaux et les cadres des services aux entreprise., d'autre part les métiers du « care »[ 2 ]Infirmiers, sages-femmes, aides-soignants, aides à domicile, médecins et assimilés, paramédicaux. qui seront les plus dynamiques en termes de créations d'emplois d'ici 2030. S'agissant des quelques 800 000 postes à pourvoir d'ici 2030, dus à 90 % aux fins de carrière, les projections témoignent du poids des métiers peu ou pas qualifiés dans les services et le bâtiment. Côté tensions, elles pourraient s'accentuer pour les aides à domicile, les techniciens des industries mécaniques et les ouvriers qualifiés du gros œuvre du bâtiment ; se maintenir pour les infirmiers/sages-femmes, ingénieurs informatiques, ouvriers qualifiés de la maintenance, bouchers, charcutiers et boulangers et se réduire pour les employés et agents de maîtrise de l'hôtellerie-restauration, les techniciens de la banque et des assurances et les employés de la comptabilité. De nouvelles tensions pourraient apparaître chez les ouvriers qualifiés de la manutention, les agents d'entretien et les ouvriers du textile/cuir.
Enfin et dans le contexte de montée en puissance de l'intelligence artificielle, les prospectivistes évoquent moins le risque de disparition de métiers que leur transformation : les tâches de la secrétaire des années 80 ont disparu avec l'arrivée de l'ordinateur mais la fonction support qu'elles exercent perdure. Ce qui augmente, c'est finalement surtout la nécessité d'opérer des transitions professionnelles. Occasion toute trouvée pour les organisateurs du webinaire de rappeler l'importance de l'accompagnement avec un focus conclusif sur le conseil en évolution professionnelle, véritable fil rouge de ces Semaines de l'évolution professionnelle.
- Datavisualisation sur les métiers en 2030 :
strategie.gouv.fr/actualites/datavisualisation-metiers-2030-0
Notes
1. | ↑ | Principalement les ingénieurs informatique, les cadres commerciaux et technico-commerciaux et les cadres des services aux entreprise. |
2. | ↑ | Infirmiers, sages-femmes, aides-soignants, aides à domicile, médecins et assimilés, paramédicaux. |