L’allégorie de la Justice.
Une formation en POEC s’inscrit dans une politique publique d’accès à l’emploi
Quelles suites de cette position jurisprudentielle retenue par un arrêt du 16 octobre 2024 de la Cour de cassation ?
Par Eugénie Caillet - Le 07 novembre 2024.
La chambre sociale de la Cour de cassation conforte une cour d’appel d’avoir constaté qu’une formation suivie via une préparation opérationnelle à l’emploi collective (POEC) s’inscrivait dans le cadre d’une politique publique d’accès à l’emploi.
De ce constat, elle relève que, ce faisant, il ressortait de l’arrêt :
- qu’une telle formation n’était pas suivie à l’initiative de l’employeur du stagiaire en cause ;
- que la formation suivie n'était pas organisée pour assurer l’adaptation du stagiaire au poste de travail.
Quelles conséquences de ces constatations ?
Concrètement, les demandes du stagiaire tendant au paiement de diverses sommes au titre de l’exécution et de la rupture du contrat de travail de professionnalisation dont il se prévalait sont rejetées. Il ne pouvait revendiquer l'existence d'un contrat de professionnalisation en soutenant que la société dispensatrice s'était engagée à créer un emploi à la suite de cette formation et en invoquant une fraude à la loi. Il ne pouvait pas davantage revendiquer l'existence d'un contrat de travail de droit commun et maintien de sa rémunération, tel que le prévoit l'article L6321-2 du Code du travail3 lorsque est en cause une formation assurant une adaptation au poste de travail, pendant la formation litigieuse.
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En termes de raisonnement juridique, l’acheminement jusqu’à la solution des juges est le suivant :
La formation n’était pas suivie à l’initiative de l’employeur – conséquences :
S’il était expressément prévu que le contrat de travail qui peut être conclu à l’issue de la POEC est, notamment, un contrat de professionnalisation d’une durée minimale de 12 mois, il n'en résultait aucune obligation pour quiconque et encore moins à la charge de l'organisme de formation1 chargé de la dispenser. Autrement dit, l’issue de la POEC, à savoir un contrat de travail, est sans incidence sur la question de savoir si le dispositif est à l’initiative ou non de l’employeur. La formation n’étant pas à l’initiative de l’employeur, et aucune obligation n’étant retenue du fait de l'issue de la POEC, le stagiaire ne pouvait revendiquer l'existence d'un contrat de professionnalisation, voire d’un contrat de travail de droit commun, en arguant que l’organisme s'était engagé à créer un emploi à la suite de cette formation et une fraude à la loi. C'est en effet de manière inopérante qu'il invoquait une fraude à la loi à des textes non applicables à la relation contractuelle en cause, puisque applicables dans les cas où, précisément, les stages sont organisés par l’employeur2.
La formation n’était pas organisée pour assurer l’adaptation au poste de travail – conséquences :
Le demandeur ne pouvait prétendre au maintien de la rémunération pendant le temps de la formation litigieuse. De surcroît, si toute action de formation suivie par un salarié pour assurer son adaptation au poste de travail constitue un temps de travail effectif et donne lieu au maintien par l’entreprise de la rémunération3, la cour d’appel a exactement décidé que la formation n’était assimilée à un temps de travail effectif qu’en cas de relation de travail avérée. Or, l’arrêt relève que l’intéressé ne démontre ni avoir effectué une prestation de travail puisqu'au contraire c'est lui qui a bénéficié d'une formation, ni avoir bénéficié d'une rémunération puisqu'il n'était pas prévu que la formation serait rémunérée [par l’employeur] et qu'il est justifié qu'il a été indemnisé par Pôle emploi (il percevait lors du stage la RFPE). De plus, l’arrêt retient qu’il n’était pas établi l’existence d’un lien de subordination juridique à l’égard de la société, Pôle emploi étant l’organisateur du stage, là où l’organisme de formation n’était investi d’aucun pouvoir de direction ou d’instructions autres que celles en lien avec les cours dispensés. L’intéressé ne pouvait donc revendiquer l’existence d’un contrat de travail de droit commun entre lui et la société.
Quid de la portée de cette solution en présence d’un contrat d’insertion ?
La Cour de cassation conforte la position des juges du fond au visa de l’article L6326-3 du Code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-893 du 28 juillet 2011, disposant que la POEC « permet à plusieurs demandeurs d'emploi de bénéficier d'une formation nécessaire à l'acquisition des compétences requises pour occuper des emplois correspondant à des besoins identifiés par un accord de branche ou, à défaut, par un conseil d'administration d'un organisme collecteur paritaire agréé [aujourd’hui opérateur de compétences] ». À noter que la version actuellement en vigueur de cet article prévoit, et ce depuis 2014, également la POEC à l’adresse de salariés recrutés en CDD-CUI/ CDI-CUI, ou en CDDI avec un employeur structure d’insertion. Cela ne remet pas en cause, selon nous, la position suivant laquelle une formation POEC s’inscrit dans le cadre d’une politique publique d’accès à l’emploi (ces contrats de travail particuliers s’inscrivent d’ailleurs eux aussi dans cette perspective). Néanmoins, l’absence de toute initiative de l’employeur dans la mise en place du dispositif de la POEC n’aurait peut-être pas été appréciée de la même façon par les juges en présence d’un stagiaire demandeur lié à l'employeur par l’un de ces contrats d’insertion. Surtout, un stagiaire en POEC par ailleurs salarié en vertu de l’un de ces contrats – contrairement au demandeur de l’espèce qui se prévalait d’un contrat de professionnalisation au titre d’une prétendue création de poste à son égard – aurait très certainement été fondé à se prévaloir de son contrat et de la relation de travail entre lui et l’employeur.
Cass. soc. du 16.10.2024, n° 22-19.708
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1 En l’espèce, une société de conseil assurances formation, qui a dispensé au demandeur une formation de conseiller de vente. La société avait été placée en redressement judiciaire avant de suivre un plan de redressement par continuation.
2 Le stagiaire demandeur se prévalait notamment des dispositions de l’article R6341-7 du Code du travail, lequel dispose que les stages organisés par les employeurs ne peuvent être agréés, notamment, que lorsque leur création est motivée par une création d'emploi. Or, la société avait selon le demandeur certifié au pouvoir adjudicateur du stage (Pôle emploi) la création d’un emploi de conseiller de vente à son profit afin d’obtenir l’agrément, ce qui aurait été constitutif d'une fraude en l'absence de création d'emploi ultérieure. Le stagiaire demandeur se prévalait également des dispositions de l’article R6341-44 du Code du travail prévoyant des modalités de liquidation de la fraction de la rémunération à rembourser à l’employeur qui maintient le salaire des salariés qui suivent des stages agréés, ainsi que celle des cotisations sociales qui y sont relatives. Selon le demandeur, il résultait de cet article le fait qu’il était rémunéré directement par la société dans une certaine mesure, et qu’en outre, dès lors qu’il devait accomplir des actions de formation constitutive d’un temps de travail effectif, la somme aurait dû être complétée à hauteur du montant du Smic.
3 Suivant l’article L6321-2 du Code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 ; il découle de la version actuelle de l’article le même principe.