L'apprentissage marqué par les premiers effets de la régulation
Le rapport sur l'usage des fonds de la formation professionnelle (Ruf) que vient de publier France compétences dessine un retournement de conjoncture dans l'apprentissage. En 2023, sur un marché dont la croissance se ralentit à 2%, le taux de marge des CFA poursuit sa baisse pour atteindre 8,6%. Une année charnière pour les CFA.
Par Catherine Trocquemé - Le 12 février 2025.
Comme chaque année, France compétences publie son rapport sur l'usage des fonds de la formation professionnelle (Ruf). Outil d'aide à la décision publique et base de données consolidés sur les évolutions du marché, cette troisième édition publiée le 4 février dernier traduit les premiers effets de la régulation. En 2023, émerge un nouvel équilibre. Dans l'apprentissage, le coût unitaire d'un contrat baisse de 14% à un peu plus de 19 000 euros. C'est le résultat direct du resserrement des aides aux entreprises pour l'embauche d'apprentis à 6 000 euros. Ce ne sont que les prémices d'une régulation devenue indispensable si l'on veut assurer la soutenabilité du système. La deuxième révision des niveaux de prise en charge (NPEC) des contrats d'apprentissage intervenue en septembre 2023 acte une baisse moyenne de 5,4% mais ne sera pleinement observable que sur l'année 2025. Face à des ressources de plus en plus contraintes, les charges des CFA continuent d'augmenter de 17%. La perspective confirmée par l'adoption du projet de loi de finances 2025 d'une contraction des dépenses publiques, met donc leurs modèles économiques sous tension.
Un taux de marge des CFA en baisse
Une tension renforcée par la stabilisation des entrées en apprentissage à + 2% en 2023. Largement soutenu par le volontarisme politique en 2018, l'apprentissage vit un âge d'or les premières années de la réforme. Le système de financement au coût contrat bénéficie alors de niveaux de prise en charge favorables. Beaucoup de CFA voient alors leur taux de marge progresser. A partir de 2022 la tendance s'inverse. D'environ 20%, le taux moyen recule à près de 11% et s'établit à 8,6% en 2023. Cette évolution tient en partie du travail de convergence des NPEC à partir de la remontée de leur comptabilité analytique et de la hausse continue des coûts de revient. En 2023, ces derniers atteignent en moyenne 8 600 euros. Le Ruf souligne toutefois des disparités en fonction du niveau de certification – de 7 400 euros pour un apprenti de niveau 3 à 9 100 euros pour un apprenti de niveau 7- et des spécialités de la formation.
Un modèle économique en transition
Malgré un contexte plus exigeant, sept CFA sur dix présentent un résultat excédentaire de 784 millions d'euros en 2023. L'allocation de cette marge fournit des indications sur la transformation des modèles économiques. Les centres déclarent utiliser cette marge pour moitié vers des investissements et pour moitié pour constituer un fonds de réserve. A la principale ressource de financement constituée par les NPEC s'ajoutent les subventions d'investissement des Opco et des régions et la mise à disposition gratuite principalement de locaux dont 13% des CFA déclarent bénéficier. Les acteurs développent de plus en plus de nouvelles stratégies d'économies d'échelle et de diversification de l'activité. Pour les CFA historiques, il s'agit de passer d'une logique de subvention à une logique de marché. France compétences est de plus en plus attentif à ces évolutions. Le régulateur a publié une étude qualitative sur les modèles économiques qui sera bientôt enrichie d'une étude quantitative.
Un taux de rupture des contrats en hausse
La libéralisation et la massification de l'apprentissage suscitent des interrogations sur la qualité des parcours proposés. L'idée d'en faire un des leviers de régulation fait son chemin. Le Ruf rassemble des données susceptibles d'éclairer les débats à travers trois indicateurs. Les taux de rupture suivent une évolution inquiétante. Selon la Dares, 21% des contrats commencés en 2022 sont rompus au cours des neuf premiers mois d'exécution. En cinq ans ces taux ont pratiquement doublé chez les employeurs de 250 salariés et plus -alors qu'ils ont peu progressé dans les entreprises de moins de 50 salariés-. Mais l'apprentissage reste un levier d'ascenseur social. Près de quatre apprentis sur dix poursuivent leurs études en empruntant, pour la majorité d'entre eux, la même voie de formation. Autre atout de l'apprentissage, une insertion professionnelle jamais démentie et qui ne cesse de s'améliorer. 71% des apprentis (de CAP à BTS) occupent ainsi un emploi deux ans après leur sortie de leur parcours.