Handicap : l'Igas invite à repenser la gouvernance de la politique d'emploi
De droit commun et spécifiques, locaux et nationaux, publics et privés… : les acteurs de la politique d'emploi des personnes en situation de handicap sont pléthore. Dans un récent rapport, l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) en appelle à une clarification des rôles, une priorisation des stratégies et un poids renforcé de l'État en matière de gouvernance.
Par Sophie Massieu - Le 28 février 2025.
Un maquis offrant des chemins parfois difficiles à suivre. Voilà le paysage décrit dans un rapport de l'Igas paru mi-février des multiples acteurs de la politique publique visant à favoriser l'embauche et le maintien en poste des personnes handicapées. Avec une efficacité toute relative, au vu du taux de chômage qui reste obstinément proche du double de celui de la population générale, ou du faible taux d'activité des personnes concernées, rappellent les auteurs de ce document d'une centaine de pages intitulé « La gouvernance de la politique d'emploi des personnes en situation de handicap ».
Rendre le champ conventionnel plus lisible
Aussi l'Igas recommande-t-elle, en premier lieu, de clarifier le champ conventionnel qui lie tous ces acteurs. En commençant par supprimer l'un des trois textes existants, la convention dite multipartite, qui lui semble doublonner avec les orientations stratégiques en réalité portées par la Conférence nationale du handicap (CNH), qui se réunit tous les trois ans. La convention dite quinquapartite trouve davantage grâce à ses yeux. C'est celle relative aux demandeurs d'emploi bénéficiaires de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés. La convention signée pour la période 2020-2023 a par exemple guidé le rapprochement entre les Cap Emploi et Pôle Emploi (aujourd'hui France Travail), dont l'Igas estime qu'elle porte de premiers fruits intéressants. A condition de poursuivre l'accompagnement des « teams » ainsi constituées, notamment pour que la montée en compétences des agents de France Travail se poursuive en matière de handicap.
Favoriser les passerelles
Face aux nouvelles prérogatives de France Travail en matière d'orientation des personnes handicapées, l'Igas verrait toutefois d'un bon œil l'intégration de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie parmi les signataires. Cela lui semblerait favoriser les passerelles espérées entre milieu de travail protégé (Établissements et services d'accompagnement par le travail (Esat), entreprises adaptées...) et milieu ordinaire.
Renforcer le rôle de l'État
Quant à la convention qui lie l'État et l'Agefiph (Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées), principal financeur de nombreux acteurs, l'Igas espère qu'un tel texte pourrait renforcer le rôle de l'État dans la priorisation des stratégies. Pour cela, l'Igas écarte l'idée de transformer cette association paritaire en opérateur de l'État, mais recommande la présence, au conseil d'administration, d'un commissaire du gouvernement nommé par le ministre de l'Emploi, ou encore que l'approbation budgétaire soit renforcée. Le tout dans le cadre d'une convention dont la durée passerait de trois à quatre ans.
Aux côtés de ces préconisations sur l'environnement conventionnel, l'Igas développe aussi des suggestions plus opérationnelles et pointe des points de vigilance. Et notamment en matière de formation. Elle observe que le budget de l'Agefiph a baissé sur ce plan, et souhaite que les opérateurs de droit commun ciblent bien ces publics à besoins spécifiques. Elle dit attendre beaucoup en particulier des Plans régionaux d'investissement dans les compétences (Pric).
Les moyens financiers, un enjeu crucial
Même crainte de voir la politique handicap de l'emploi se dissoudre si la gouvernance territoriale spécifique venait à disparaître. Aussi l'Igas invite-t-elle à bien conserver en place les Plans régionaux d'insertion des travailleurs handicapés (Prith), tout en pointant d'importants écarts dans leur efficience. De façon générale, l'Igas estime que le service public de l'emploi et les acteurs du handicap dans leur ensemble doivent améliorer leur travail auprès des entreprises.
Mais tout ça ne pourra se réaliser sans la mise à disposition des moyens nécessaires. Et l'Igas de pointer le paradoxe suivant : le service public de l'emploi doit apporter un accompagnement renforcé aux personnes handicapées, accueillir les allocataires du RSA depuis janvier dernier, mais voit ses financements rabotés dans le contexte de la politique budgétaire nationale orientée vers la réduction des déficits. Surcroît d'activité versus baisse de financements, l'équation semble complexe.
Pour aller plus loin :
Le rapport de l'Igas « La gouvernance de la politique d'emploi des personnes en situation de handicap », février 2025