Stéphane Lardy, directeur général de France compétences, a été auditionné le 3 avril 2025 par la commission d’enquête du Sénat sur les agences et les opérateurs de l’Etat.

Au Sénat, France compétences défend son rôle de financeur de la formation

Dans le cadre de la commission d'enquête sur les agences et les opérateurs de l'Etat, les sénateurs ont notamment interrogé France compétences sur son rôle en matière de redistribution des fonds de la formation professionnelle et de l'alternance. Cette mission qui nécessite une expertise technique pointue et des outils informatiques spécifiques pourrait difficilement être confiée à d'autres structures, selon son directeur général, Stéphane Lardy.

Par - Le 08 avril 2025.

Vérifier que les agences et les opérateurs de l'État répondent aux besoins qui ont suscité leur création et assurent des missions qui ne sont pas redondantes avec celles d'autres acteurs. C'est l'un des objectifs de la commissions d'enquête créée le 6 février dernier à l'initiative de sénateurs du groupe Les Républicains. Présidée par Pierre Barros (groupe Communiste républicain citoyen et écologiste – kanaky), la commission a auditionné le 3 avril plusieurs opérateurs du champ de l'emploi et de la formation dont France compétences. Comme l'a rappelé le président de la commission, l'instance de régulation et de financement de la formation professionnelle et de l'apprentissage est « un des opérateurs qui gèrent le plus d'argent public » (15,2 milliards d'euros de dépenses en 2024), mais avec 91 équivalents temps plein travaillé, c'est aussi « l'une des structures les moins gourmandes en personnel. »

Une mécanique de financement complexe

Une situation qui représente un atout mais soulève aussi des questions. « Pourquoi avoir besoin d'un établissement avec si peu de personnes pour gérer le financement ? », s'interroge Christine Lavarde (Groupe Les Républicains). La sénatrice, nommée rapporteur pour la commission, se demande si cette mission ne pourrait pas être ré-internalisée au sein du ministère du Travail ou confiée à l'Agence de services et de paiement (ASP) chargée de verser différentes aides publiques telles que celle allouée aux entreprises qui recrutent des apprentis. Pour Stéphane Lardy, outre que le rôle de France compétences ne se résume pas au financement du système, le mécanisme de répartition des fonds collectés par l'Urssaf et la MSA suppose « une bonne connaissance de l'écosystème » et implique « un travail très technique » de vérification des données pour s'assurer de leur bonne répartition. Pour remplir sa mission, France compétences a construit un système d'information spécifique intégrant des outils d'intelligence artificielle pour déclencher des alertes en cas d'erreurs. En matière de financement, France compétences « n'est pas qu'une boite aux lettres », résume Stéphane Lardy. Le système en place pour le financement de l'alternance intègre une mécanique de péréquation qui suppose d'entretenir avec les opérateurs de compétences « un dialogue de gestion fin et continu, qui je pense ne peut pas être fait actuellement par quelqu'un d'autre », estime le directeur général de France compétences.

Une situation tendue sur le plan des effectifs

Interrogé par la sénatrice Ghislaine Senée (groupe Ecologiste - solidarité et territoires) sur l'adéquation des ressources par rapport aux missions confiées, Stéphane Lardy a rappelé que France compétences est « un opérateur qui fonctionne bien » tout en reconnaissant que sa taille pouvait être une fragilité, en cas de départ de personnes ayant des compétences pointues ou en cas d'attribution de nouvelles missions, ce qui arrive régulièrement. En matière de certifications professionnelles par exemple, le projet de rapprocher les modalités d'enregistrement des diplômes avec ceux des titres nécessiterait des moyens et des compétences supplémentaires, illustre Stéphane Lardy. Quant à savoir, si France compétences dispose de moyens et de pouvoirs suffisants en matière de contrôle, son directeur général estime que « sans doute il faudrait plus de contrôles », mais que le travail de régulation et de vérification mené en partenariat avec la Caisse des dépôts dans le champ des certifications professionnelles porte ses fruits. Là où il y aurait sans doute des progrès à faire, c'est au niveau du contrôle pédagogique des formations, un sujet sur lequel planche le ministère du Travail. L'ajout d'un critère supplémentaire lié à la pédagogie dans le processus d'enregistrement des certifications est à l'étude.

Des pouvoirs de sanction à renforcer ?

Pour ce qui est des attributions de France compétences par rapport au financement des CFA, la Cour des comptes avait préconisé de doter l'instance de régulation d'un pouvoir de sanction administrative, rappelle Christine Lavarde. Un pas qui n'a pas encore été franchi. Quelle soit portée par France compétences ou par sa tutelle, la possibilité de sanctionner les CFA qui ne transmettent pas leur comptabilité analytique est à l'étude. Encore faudrait-il que France compétences dispose une liste précise des CFA. Ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, les données issues des déclarations d'activité effectuées par les établissements auprès des Dreets [ 1 ]Direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités ne lui étant pas transmises. Un point qui a suscité l'étonnement de la sénatrice Les Républicains. Aujourd'hui pour s'assurer que les CFA transmettent bien leurs comptabilité analytique, l'instance de régulation est obligée de comparer leurs déclarations comptables avec les effectifs d'apprentis.

CEP : une compétence partagée

Quant à savoir s'il existe des « zones de frottements » avec les missions de France Travail, Stéphane Lardy a précisé qu'en matière d'études et d'évaluation, les travaux menés par France compétences étaient programmés en concertation avec les autres acteurs de l'emploi et de la formation afin d'éviter les redondances. Seul domaine d'intervention commun aux deux organisations : le conseil en évolution professionnelle (CEP). Mais sur ce point, Stéphane Lardy précise que les opérateurs régionaux pilotés par France compétences interviennent auprès d'un public spécifique, celui des salariés et des indépendants. « Quand un demandeur d'emploi s'adresse à un de ces opérateurs, il est ré-aiguillé vers France Travail, c'est dans leur cahier des charges », indique le directeur général de France compétences. Si demain, le conseil en évolution professionnelle était exclusivement géré par France Travail, il y aurait « un risque de dilution du service », commente Stéphane Lardy. Un changement qui ne serait pas sans conséquence alors que les opérateurs régionaux sont installés dans le paysage de l'emploi et de la formation.

Notes   [ + ]

1. Direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités