Stratégie européenne pour l'intelligence artificielle : vers un leadership mondial
Sous l'impulsion de la Commission européenne, l'Union européenne engage une nouvelle étape ambitieuse pour rattraper son retard et peser dans la course mondiale à l'intelligence artificielle. Un plan d'action détaillé, dévoilé le 9 avril, trace les contours d'une stratégie où investissements massifs, régulation ajustée, et développement d'un écosystème souverain convergent vers un objectif : faire de l'Europe "le continent de l'IA".
Par Michel Jouini - Le 17 avril 2025.
Une stratégie industrielle assumée
Au cœur de cette offensive, les "usines d'IA" incarnent l'ambition industrielle de l'Union. Ces centres d'innovation de nouvelle génération, adossés aux supercalculateurs européens, associeront puissance de calcul, données et talents pour développer des modèles d'IA avancés. Treize d'entre elles doivent voir le jour d'ici fin 2025, réparties dans 17 États membres et deux pays associés. En parallèle, au moins cinq "AI gigafactories", dotées de plus de 100 000 processeurs chacune, seront sélectionnées d'ici la fin de l'année pour former un réseau européen capable de rivaliser avec les infrastructures américaines ou chinoises. La Commission entend également clarifier les règles du jeu en matière de cloud et d'infrastructure numérique. Une consultation est lancée sur un futur "Cloud & AI Development Act", qui pourrait imposer l'usage de solutions souveraines comme SecNumCloud dans les administrations publiques.
Une régulation en voie d'adaptation
Alors que l'IA Act, adopté en 2024, entre progressivement en application, l'exécutif européen annonce déjà une série de simplifications en réponse aux critiques des acteurs du secteur. Par ailleurs, un service d'assistance réglementaire va être mis en place au sein du bureau européen de l'IA, accompagné d'une plateforme d'échange. Des "bacs à sable réglementaires" permettront également de tester les usages sensibles de l'IA (sécurité, justice, éducation…) dans un cadre encadré, d'ici août 2026.
L'Europe entend aussi accélérer l'accès aux données, moteur essentiel du développement de l'IA. Une stratégie pour une Union des données est en préparation, visant à harmoniser les règles d'accès, de partage et d'utilisation des données. Les usines d'IA intégreront des "data labs" reliés aux espaces européens de données sectoriels en cours de constitution. Sur le terrain de l'adoption, un premier appel à projets sur l'usage de l'IA générative dans les services publics est déjà lancé. Il s'inscrit dans le programme "Digital 2025-2027", qui mobilise 140 millions d'euros pour soutenir l'IA générative, les compétences numériques avancées, la lutte contre la désinformation et l'extension des pôles d'innovation numérique. Parmi ces fonds, 55 millions sont dédiés à l'introduction de l'IA générative dans les administrations et les espaces de données, et 5 millions à la création d'un réseau européen de vérificateurs de faits.
Former pour mieux transformer
Dernier pilier du plan : la formation. Un guichet unique européen sur les formations en IA va être créé, et de nouveaux cursus dédiés à l'IA générative seront soutenus. En parallèle, l'initiative "GovTech Incubator", prévue jusqu'en 2029, accompagnera 21 acteurs GovTech dans 16 pays pour développer des solutions innovantes au service des politiques publiques.