Pierre Launay, président de l’École Cube et du Syndicat français des professionnels du no code (SFPN)
Le « no code » bouscule les métiers et les compétences
Parce qu'ils permettent de déployer des applications sans nécessiter de compétences en programmation informatique, les outils « no code » modifient les pratiques et les organisations. Encouragé par la digitalisation, leur essor invite à créer des offres de formation et de certification adaptées, ouvrant de nouvelles perspectives d'évolution ou de reconversion professionnelle.
Par Estelle Durand - Le 18 juillet 2024.
« Product builder no code » - aussi appelé « manager de projet no code » - a fait son apparition dans la liste des métiers émergents publiée par France compétences fin 2023. Cette reconnaissance est une des conséquences de la diffusion des technologies « no code » dans la communauté des développeurs et au-delà. Avec ces outils basés sur des interfaces visuelles, il n'est plus nécessaire d'être un expert en programmation informatique pour créer une application mobile, un site Web ou autre solution digitale. De quoi faire bouger les lignes au sein des organisations. « En démocratisant la conception de solutions digitales, le no code ouvre les portes du développement à des profils qui auparavant dépendaient des services informatiques pour mener à bien leurs projets », explique Pierre Launay, président du Groupe Cube, une agence de développement no code qui s'est diversifiée dans la formation en 2021.
Un métier émergent qui gagne en visibilité
A l'heure où les développeurs viennent à manquer, l'intérêt pour le no code grandit. Accélérateur de digitalisation, le mouvement s'immisce dans les entreprises, bousculant les pratiques jusqu'à faire émerger de nouveaux profils : « des professionnels qui se situent à la croisée des équipes métiers et des services IT et élaborent des solutions digitales en prenant en main tout le pilotage du projet, de l'analyse des besoins des utilisateurs au déploiement », illustre Pierre Launay qui préside le Syndicat français des professionnels du no code (SFPN). Face à ces évolutions, l'organisation professionnelle et d'autres acteurs – No code France, Numeum et France Digitale – répondent en 2023 à l'appel à contribution lancé chaque année par France compétences pour identifier des métiers émergents ou en forte évolution. Cette formalité permet aux organismes qui se positionnent sur de nouveaux besoins en compétences de bénéficier d'une procédure dérogatoire pour l'enregistrement de leur certification au RNCP[ 1 ]répertoire national des certifications professionnelles.
Une certification enregistrée au RNCP
Six mois après la reconnaissance du métier de « product builder no code », une certification de niveau 6 voit le jour. Portée par l'Ecole Cube, fondée par Pierre Launay, elle comporte quatre blocs de compétences qui vont bien au-delà de la maîtrise des outils no code. La certification recouvre le pilotage du projet, le développement technique, la configuration et le paramétrage des solutions mais aussi les problématiques de gestion de données, de sécurité et de conformité. Pour préparer les candidats, l'Ecole Cube, a élaboré un parcours de 400 heures de formation comportant des sessions à distance et des « bootcamps » en présentiel. La première promotion de 20 personnes sera accueillie mi-septembre. L'offre de formations certifiantes devrait encore s'étoffer à l'avenir. L'Ecole Cube envisage en effet de nouer des partenariats avec des organismes de formation qui répondront à ses critères d'habilitation. Sans compter les acteurs qui décideront d'investir dans la création de leur propre certification…
Des perspectives d'évolution et de reconversion
En pratique le métier de « product builder no code » offre des perspectives d'évolution ou de reconversion à différents profils, salariés en poste ou personnes en recherche d'emploi. A condition d'avoir une certaine appétence pour le digital et les technologies « Les personnes qui s'orientent vers ce métier sont, soit des entrepreneurs qui veulent créer leur agence de développement ou leur start up sans avoir à mobiliser d'importantes équipes techniques, soit des personnes venues du commercial, du marketing, des RH et autres fonctions, qui souhaitent s'impliquer davantage dans des projets de digitalisation », explique Pierre Launay.
Ajouter une corde à son arc
Ceux qui n'envisagent pas un tel virage pourront s'initier au no code en s'appuyant sur les ressources proposées sur Internet ou en suivant des formations courtes dont certaines débouchent sur des certifications inscrites au répertoire spécifique. Plusieurs organismes se positionnent sur ce créneau avec pour objectif de permettre aux stagiaires d'intégrer le no code dans leur métier. « Cette compétence complémentaire répond aux besoins des entreprises qui remplacent les outils informatiques traditionnels par des solutions no code pour automatiser et digitaliser leurs process », explique Erwan Kezzar, co-fondateur de Contournement. L'association spécialisée dans le no code a déposé deux certifications au répertoire spécifique[ 2 ]Organiser et exploiter des données métier avec des outils no code, Numériser et optimiser un processus métier avec des outils no code.. Centrées sur des usages, elles s'adressent à des personnes qui veulent prendre en main les outils, maîtriser les méthodes de déploiement et adopter de bonnes pratiques, « un point essentiel pour la réussite des projets », observe Erwan Kezzar. En ajoutant une corde à leur arc, certains se découvriront peut-être une appétence pour l'informatique et s'orienteront alors vers le métier de « product builder no code » voire celui de développeur…
Un tremplin vers le développement
Accessible au plus grand nombre, le no code s'avère un moyen de lever des barrières et de susciter des vocations. Une voie dans laquelle s'engage Contournement. L'association s'appuie notamment sur le no code pour faire découvrir le développement à des personnes qui n'auraient peut-être pas eu l'idée de s'engager dans cette voie. C'est ainsi que des jeunes stagiaires d'une mission locale ont pu s'essayer pendant quatre jours à la création d'applications et se faire une idée de la réalité d'un métier. Aide à l'orientation, levier d'évolution professionnelle, tremplin pour une reconversion, le no code n'est plus seulement une affaire de spécialistes qui cherchent à optimiser leur process de développement. Un mouvement dont s'empare aussi le marché de la formation. Les pionniers du no code, qui pendant un temps étaient les seuls à se positionner, voient émerger des offres au catalogue des ténors de la formation.
Notes
1. | ↑ | répertoire national des certifications professionnelles |
2. | ↑ | Organiser et exploiter des données métier avec des outils no code, Numériser et optimiser un processus métier avec des outils no code. |