Terra nova préconise un contrat jeunes emploi-formation universel
Après un constat sévère sur les inégalités persistantes en matière de formation, le cercle de réflexion Terra Nova avance, dans un rapport publié récemment, 10 propositions pour faire émerger « une filière de compétences inclusive, efficace et protectrice ». Parmi elles, un contrat universel emploi-formation pour les jeunes de moins de 25 ans et une « carte vitale » des compétences.
Par Catherine Trocquemé - Le 15 avril 2022.
Quelques jours avant le premier tour des élections présidentielles, les experts de Terra Nova et le groupe Galileo sont entrés dans le débat public en publiant un rapport baptisé « Le nouvel âge de la formation professionnelle ». Sur 80 pages, les auteurs dressent un bilan en demi-teinte de la réforme de 2018 et appellent à faire de la formation la priorité de l'agenda politique du prochain quinquennat. Le think-tank veut en finir avec « l'élitisme méritocratique, l'académisme pédagogique et l'individualisme ». Selon le cercle de réflexion proche du parti socialiste, cette philosophie alimente le déterminisme social et continue de créer des inégalités, de nourrir un sentiment d'insécurité et de peser sur la compétitivité de notre économie.
Une approche transversale
Seule une approche transversale « non silotée par ministère » et une volonté politique forte plaçant le sujet de la formation au cœur de l'action économique et social peut changer la donne. A un moment historique de transformation des compétences, le rapport interpelle les futurs décideurs sur l'importance de ces enjeux jusque-là insuffisamment traités dans la campagne du premier tour présidentielle. Si l'on veut être à la hauteur des défis, les auteurs préconisent 10 mesures chiffrées et détaillées pour consolider et pousser plus loin la loi « avenir professionnel ». Le think-tank reconnaît l'impact positif de la réforme de 2018. Etudes à l'appui, les auteurs du rapport se félicitent d'un plus large recours à la formation, d'un meilleur accès à l'information, de l'appropriation du sujet de la formation par des actifs de plus en plus responsabilisés, du succès indéniable du CPF et, enfin, de la nouvelle dynamique de l'apprentissage.
Un accès à la formation encore trop inégalitaire
Une analyse plus qualitative révèle, selon eux, un bilan plus mitigé. Les bénéficiaires du compte personnel de formation ne sont qu'1 fois sur 10 des ouvriers alors que cette catégorie pourtant très concernée par la nécessité de monter en compétences représente 20% de l'emploi total. Dans le même temps, 62% de ceux qui ont mobilisé leurs droits au CPF ont un niveau de formation initiale supérieur ou égal au bac. Dans l'ensemble, note le rapport, les plus démunis et les moins diplômés profitent moins des progrès observés ces dernières années en matière de formation. Plus inquiétant encore pour l'avenir, ce public plus précaire croit moins que les autres aux bénéfices et à l'intérêt de la formation. Dans un contexte inédit de mutations accélérées des métiers et des compétences, ce système de formation à deux vitesses fait peser, aux yeux des auteurs, un risque social et économique.
Changer de paradigme
Si l'on veut casser ce qui ressemble à une fatalité, le rapport Terra Nova milite pour un changement de paradigme. Ses 10 propositions s'appuient sur le socle construit la réforme de 2018 et place l'alternance au cœur de la formation. Les entreprises devraient être « au cœur de la définition des référentiels de compétences, donc du contenu des formations, et de la définition des besoins prospectifs ». Parmi les mesures choc proposées par le think-tank, un contrat emploi-formation universel pour les jeunes de 17 à 25 ans autour de l'apprentissage. Quant au financement d'un dispositif déjà dans le rouge, le rapport s'appuie sur des études d'impact récentes pour affirmer qu'avec un objectif de 1,2 million d'apprentis « nous pourrions générer, sur 4 ans, 425 000 emplois de plus, 45 milliards d'euros de valeur ajoutée et 11 milliards d'euros de recettes directes et indirectes supplémentaires pour les finances publiques ».
Un crédit impôt formation
Terra Nova propose de libéraliser les groupements d'employeurs, déployer des plateformes digitales d'adéquation entre les besoins et l'offre de formation ou encore sortir du culte du diplôme en s'appuyant sur un passeport des compétences à l'image d'une « carte vitale » des compétences. Enfin, le rapport reprend l'idée d'un crédit impôt formation afin d'accélérer l'investissement des entreprises. Les autres mesures encouragent fortement la modalité de formation en situation de travail, l'innovation pédagogique et lancent un grand plan de l'apprentissage pour les secteurs de la santé et du service à la personne.