Formation : vers un rôle accru pour les entreprises ? (webinaire e-Think RH)
L'évènement en ligne e-Think RH 2020, organisé par News Tank, en partenariat avec Centre Inffo, consacrait mardi 15 décembre une série de webinaires à l'avenir du travail. Retour sur l'une de ces rencontres, plus spécifiquement dédiée aux enjeux de la formation professionnelle.
Par Raphaëlle Pienne - Le 17 décembre 2020.
Et si la réforme de la formation de 2018 et la crise sanitaire que nous traversons remettaient davantage l'entreprise au cœur des politiques de formation ? C'est l'un des enjeux qui ressort des échanges de la table ronde « Gestion de la crise : accompagner les transformations par la formation », qui était organisée à l'occasion du rendez-vous e-Think RH 2020.
CFA d'entreprise
L'apprentissage est l'un des domaines où la loi du 5 septembre 2018 a renforcé le rôle des entreprises, en leur donnant la possibilité de créer leur CFA en propre. Une solution dont s'est emparé le groupe de gestion de maisons de retraite Korian en créant son CFA d'entreprise dédié aux métiers du soin. « Nous devons commencer à sécuriser les recrutements », témoigne Rémi Boyer, DRH et directeur RSE du groupe, en expliquant que son secteur fait face à une pénurie structurelle de main-d'œuvre dans un contexte de vieillissement de la population. Mais les enjeux sont plus larges selon l'expert de la formation professionnelle Jean-Pierre Willems, qui accompagne des entreprises souhaitant créer leur CFA. « Je suis frappé de constater qu'entre le lancement du projet, sa réalisation et son déploiement, les entreprises s'aperçoivent que le projet va plus loin que celui de recruter : il impacte leur rapport à la formation et la culture d'entreprise », analyse-t-il. Les CFA d'entreprise pourraient même contribuer à la transformation de l'apprentissage. « Il faut [les] voir comme une stimulation de l'offre de formation, vers plus de créativité ; notamment sur le plan de l'individualisation de la formation », observe Thierry Teboul, directeur général de l'Afdas.
Cofinancements de la formation
La réforme de 2018 a également eu un impact fort sur la formation des salariés. « [Ses mesures] obligent les entreprises à se recentrer sur la formation de manière plus dynamique », observe Rémi Boyer. Mais une des dispositions de la réforme, la fin des financements mutualisés de la formation pour les entreprises de 50 à 300 salariés, continue à faire l'objet de débats. Pour Jean-Pierre Willems se pose la question de remettre de la mutualisation, notamment dans les secteurs subissant un fort turn-over. Par nature [l'investissement dans la formation] ne peut pas reposer sur un investissement unique, car la compétence appartient à l'individu. C'est pourquoi la dépense de formation doit reposer sur des multi-financements et pas sur des logiques exclusives », avance-t-il. Thierry Teboul semble également favorable aux logiques de cofinancement. Le directeur général de l'Afdas illustre son propos avec le renforcement du FNE-formation : « J'ai observé deux périodes, celle d'abord d'un FNE financé à 100 % avec des formations occupationnelles, sans que cela soit péjoratif. Je vois qu'on est entré dans une deuxième phase, où le FNE 100 % est en train de disparaître […]. Là, l'entreprise se pose la question différemment, on commence à voir émerger de la co-construction », observe-t-il.
Transition collective
Un des derniers points de la table ronde était consacré au nouveau dispositif Transition collective. « J'y vois deux choses intéressantes […] : il va obliger à redécouvrir les territoires, qui sont un angle mort de la réforme et des politiques paritaires. [Ensuite], là où l'on a construit la réforme sur le projet des individus, les transitions collectives ont un point de départ inverse », analyse Jean-Pierre Willems. Rémi Boyer estime, pour sa part, « qu'il y a peut-être un nouveau canal à trouver entre entreprises de bonnes volontés. Le dispositif Transition professionnelle va peut-être y contribuer ». Mais la conclusion de l'échange reviendra à Thierry Teboul : « Depuis trente ans, nous étions dans un processus de technicisation de la formation. [Celle-ci] redevient un moyen au service de plusieurs fins. Que le DRH se réapproprie le sujet, je prends cela comme un signe d'espoir. »