Jacques Faubert (Association pour l'accompagnement et le développement des compétences) : "Les organisations, activités et compétences bougent … mais avec quelles conséquences demain ?"
Peut-on, en ce moment, faire la place qu'elles méritent à des questions telles que : « Qu'est-ce que le confinement nous a appris que le projet de société de la compétence ne pourrait se permette d'ignorer » ? Mais aussi « Qu'est-ce que les partenaires sociaux devraient prendre en compte dans de futurs accords (et d'abord dans des travaux à confier d'urgence aux observatoires de branches) » ?
Par Jacques Faubert - Le 19 juin 2020.
Ces sujets ne sont pas des interrogations « hors sol ».
Quand une entreprise de fabrication classique (de l'automobile, du matériel de propreté industrielle, de la confection de luxe ou de la parfumerie, …) se déporte en trois semaines sur la fabrication de respirateurs, panneaux protecteurs, masques, surblouses et autres gels hydroalcooliques…
Quand un médecin gynécologue ou une infirmière en pédiatrie se portent en réanimation ou que des internes se muent en brancardiers…
Quand les métiers dits « non qualifiés » sont ceux qui, depuis des semaines, font tourner les rouages essentiels au maintien de l'activité et de la cohésion du pays...
Tous ces faits nous parlent non pas d'un « monde d'après », hypothétique, mais du monde d'aujourd'hui et de ses capacités à renouveler les usages, les organisations du travail et les approches des métiers et des qualifications, sur au moins deux points : la mobilité professionnelle et la pluralité des modes de développement et de mobilisation de compétences, de plus en plus transverses.
Clairement, la loi de septembre 2018, avec notamment la montée en puissance des « blocs de compétences », peut sous-tendre de telles réflexions, que devrait sans doute prendre en compte le groupe « dynamique des métiers » de France compétences. Et ce pourrait être le fil conducteur de travaux de recherche et d'études « décomplexées » et ouvertes des observatoires paritaires de branches. C'est sans doute le bon moment pour soulever la question des conséquences possibles, en termes de périmètres actuels et à venir des branches et donc des métiers et qualifications dans et hors leur champ actuel.
Car, là où on parlait de quelques exceptions, parties de besoins ciblés des entreprises (exemple : l'agent d'entretien du bâtiment ou le conducteur d'engins de fabrication) ou d'expériences ponctuelles, il va falloir interroger à grande échelle de nouveaux « assemblages » d'activités et de compétences, aussi bien résultant de l'introduction de « doses » plus ou moins importantes de numérique (voire d'intelligence artificielle) que de recomposition à partir de métiers impactés par les évolutions « servicielles » …
Le sujet des semaines, des mois et des années à venir pourrait bien être celui d'un grand appel d'air pour que de « nouvelles réalités de métiers » trouvent leur place, partout où leur usage commence à se dessiner, et que les partenaires sociaux en soient les accompagnants décisifs jusque dans des « accords collectifs » d'un genre nouveau.