Roselyne Hubert, présidente de la Fnadir
L'année 2020 s'annonce difficile pour les centres de formation d'apprentis
Les directeurs de CFA interrogés par le cabinet Orcom s'attendent à voir leurs ressources diminuer du fait de la baisse des entrées en apprentissage. Dans le même temps, leurs charges pourraient augmenter à cause des mesures sanitaires. Dans ce contexte, des fermetures de sections ou reports de projets d'investissement ne sont pas à exclure.
Par Estelle Durand - Le 10 juillet 2020.
C'est une rentrée à haut risque pour les centres de formation d'apprentis (CFA). Leurs ressources étant depuis cette année directement liées au nombre d'apprentis formés, une baisse des recrutements cet automne pourrait avoir des conséquences importantes sur leur équilibre financier. Un scénario qui inquiète les directeurs de CFA interrogés par le cabinet d'expertise comptable, Orcom, pour le compte de leur fédération, la Fnadir [ 1 ]Fédération nationale des directeurs de centres de formation d'apprentis..
Selon cette étude qui détaille la situation financière de 85 CFA ainsi que leurs prévisions 2020, le nombre de pré-inscriptions en apprentissage à la mi-mai ressort en baisse partout, hormis en Ile-de-France. Selon les régions, le recul observé varie entre -10 et -30% comparé à 2019. D'où des prévisions pessimistes pour la rentrée. Les CFA interrogés qui avaient connu une dynamique positive en 2019 (+4 % d'apprentis par rapport à 2018), s'attendent à voir leur effectif 2020 chuter de 12 % par rapport à ce qu'ils avaient anticipé.
Marges de manœuvre limitées
En conséquence, les CFA craignent de voir leurs ressources baisser de 10% en moyenne cette année, tout en s'apprêtant à faire face à des augmentations de charges du fait des mesures sanitaires. Ces frais supplémentaires pourraient représenter 135 euros par apprenti, soit une augmentation des coûts évaluée à 2%. Ces perspectives peu encourageantes risquent de mettre à mal les projets engagés dans les établissements. « Compte tenu de leur situation financière, les CFA disposent de marges de manœuvre limitées », constate Estelle Collet, du cabinet Orcom. Fin 2019, 45% des CFA interrogés affichaient un résultat excédentaire, 33% se déclaraient à l'équilibre et 22% étaient en déficit. Dans ce contexte déjà tendu, des remises en question stratégiques sont envisagées par 50 à 60 % des CFA interrogés. Fermeture de sections existantes, abandon de projets d'ouverture de nouvelles sections, report d'investissements ou restructurations font partie des hypothèses sur la table.
Incertitude sur l'impact des aides à l'embauche
Annoncé après la réalisation de cette enquête, le plan de relance de l'apprentissage sera-t-il en mesure de sécuriser les CFA ? Difficile à dire à ce stade, selon la Fnadir. « L'aide à l'embauche peut faire basculer une décision, mais les entreprises qui aujourd'hui s'interrogent sur leur pérennité peuvent difficilement se projeter dans des contrats qui vont les engager pendant un à trois ans », indique Roselyne Hubert, sa présidente. L'impact des mesures en faveur de l'apprentissage dépendra aussi du futur plan de relance que prépare Bercy et de la mobilisation des acteurs dans les territoires. « Un des enjeux sera de convaincre les entreprises qui ne faisaient pas d'apprentissage jusqu'à présent de se lancer dans l'aventure », estime Roselyne Hubert.
En attendant, les CFA qui aujourd'hui font face à des difficultés ont peu de perspectives devant eux. « La continuité des financements ayant été assurée par les opérateurs de compétences, les CFA n'ont pas pu recourir aux mesures d'urgence », indique Estelle Collet d'Orcom. Et ceux qui ont sollicité des aides auprès des Régions ou des opérateurs de compétences n'ont pas obtenu de réponse positive à ce stade, selon elle. Quant aux enveloppes prévues par la loi Avenir professionnel pour majorer les niveaux de prise en charge des contrats ou soutenir les investissements, elles sont limitées et réservées à des CFA répondant à des critères d'éligibilité. Selon la Fnadir, certaines Régions vont soutenir les CFA en difficulté alors que d'autres vont réserver les aides à ceux qui disposent de labels qualité qu'elles ont créés ou à ceux qui forment à des métiers spécifiques.
Notes
1. | ↑ | Fédération nationale des directeurs de centres de formation d'apprentis. |