Patrick Toulmet (au centre) et les députés de l’Essonne Pierre-Alain Raphan et Laëtitia Romeiro-Dias (à droite) entourés des volontaires et agents du centre Epide de Brétigny-sur-Orge.
« Le bilan de la rentrée apprentissage s'annonce plus que correct » (Patrick Toulmet)
Le délégué interministériel au développement de l'apprentissage dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville fait un constat plutôt optimiste sur la rentrée 2020 en matière d'apprentissage. Mais il reconnaît que le chantier de l'alternance est une œuvre de longue haleine.
Par Laurent Gérard - Le 13 octobre 2020.
Le quotidien de la formation - Comment s'annonce la rentrée 2020 en matière d'apprentissage et d'alternance?
Patrick Toulmet - La rentrée en matière d'apprentissage s'annonce plus que correcte. Elle pourrait presque être du même niveau que celle de l'année dernière, voire meilleure encore dans certains secteurs. Ce n'était pourtant pas évident. Car, si début 2020, tous les feux étaient au vert, les choses ont été chamboulées par la crise sanitaire. Le Covid-19 a tout changé. Sans lui, l'apprentissage et l'alternance auraient fait un carton. Le confinement a empêché toutes les initiatives en matière de promotion de l'apprentissage. Les forums ne se sont pas ouverts. Les jeunes sont restés chez eux. Et certains même ont connu une déconnexion parfois totale vis-à-vis de l'école. Bref, tout cela a repoussé les signatures de contrats.
QDF - A quoi attribuer la relative bonne rentrée apprentissage de 2020, qui reste à confirmer ?
P. T. - Deux mesures majeures ont permis de rétablir la situation. Premièrement, le niveau de la prime accordée pour l'embauche d'un apprenti. 8000 euros c'est énorme. Dans bien des cas, cela couvre le coût de l'apprenti. Quand les entreprises comprennent qu'elles peuvent prendre un apprenti pour peu de frais, elles changent leur point de vue.
Deuxième décision importante : le passage à six mois le temps possible en CFA (centre de formation d'apprentis) sans avoir signé un contrat de travail avec une entreprise. C'est une facilité essentielle sur laquelle il faut insister. six mois, cela laisse du temps pour trouver une entreprise.
Ce sont deux très belles mesures qui n'avaient jamais été prises jusqu'à maintenant. Un milliard d'euros a été mis sur la table pour l'apprentissage, c'était indispensable. Il fallait le faire. Je suis heureux d'appartenir à un gouvernement qui l'a fait.
QDF - Quel bilan tirez-vous de votre action depuis deux ans?
P. T. - Ma mission est d'assurer le service après-vente des ministères qui interviennent sur l'apprentissage et globalement les parcours en alternance. Mon rôle est de passer après les ministres, dans les quartiers, pour faire remonter les difficultés et trouver des solutions : créer des CFA, créer de nouveaux diplômes adaptés aux métiers, mettre en lien les acteurs de l'insertion et les entreprises…
Notre objectif est d'aller chercher les jeunes qui ne viennent plus voir les structures d'insertion. Le bus de l'apprentissage est un de nos outils, il tournera jusqu'au 12 décembre. Il est aujourd'hui à Poissy, mais le Covid a annulé les déplacements à Lille et Dunkerque. Son intérêt est de faire la démonstration des métiers aux jeunes, cela va plus loin que la simple distribution de flyers ou de catalogues. Cet essai/immersion permet en deux heures aux jeunes de se faire une idée plus nette du métier.
QDF - Quels sont vos rapports avec les grands acteurs de l'apprentissage que sont les Opco, France compétences, et les branches professionnelles ?
P.T. - Nous avons de très bons rapports avec tous ces acteurs, ce sont nos interlocuteurs. Cela fonctionne bien. Nous trouvons ensemble des solutions.
QDF - Et avec le ministère de l'Education nationale ?
P. T. - L'Education nationale, elle aussi, a changé sur l'apprentissage. Jean-Michel Blanquer est un ministre qui ne bloque pas du tout le développement de l'apprentissage. Nombre de lycées professionnels proposent aujourd'hui de l'alternance.
QDF - Le fonctionnement au coût-contrat est-il un problème pour les CFA ?
P. T. - Au début de l'application de cette nouvelle donne économique, des CFA ont frôlé la catastrophe. Et nous avons travaillé avec les financeurs au cas par cas pour trouver des solutions. J'ai le sentiment que désormais, très majoritairement, ce n'est plus un problème, les choses rentrent dans l'ordre, avec une certaine rapidité. Il faut reconnaître que les Opco font le job.
QDF - Quelle est votre opinion sur le développement des CFA d'entreprise ?
P. T. - Je n'en pense que du bien. Même de grandes entreprises comme Renault, Airbus, Total qui font déjà beaucoup de choses en matière d'alternance, ont pris contact avec nous pour aller plus loin. Aujourd'hui, n'importe quelle association peut monter un CFA ! Il faut aider à ce développement.
QDF - Estimez-vous que l'offre de stage en entreprise est suffisante ?
P. T. - Je trouve que les employeurs traînent parfois des pieds pour offrir des stages. Il faut absolument proposer aux jeunes des quartiers prioritaires autre chose que des « stages kebab », c'est-à-dire dans le petit restaurant du quartier dans lequel les jeunes vivent. Il faut ouvrir leurs horizons. C'est aussi pour cette raison que créer des CFA dans les quartiers prioritaires n'est pas la meilleure solution : les jeunes doivent voir autre chose que leur quotidien. Dans cette logique, j'ajoute qu'il faudrait aussi obliger les collectivités locales à faire de l'apprentissage. Certaines municipalités se lancent dans la création de CFA : c'est une très bonne initiative.