Les enjeux des organisations apprenantes, selon France Stratégie
“Le rythme auquel les organisations apprennent pourrait devenir la seule source durable d'avantages concurrentiels dans un monde en perpétuel changement", assurait Peter Senge, professeur au MIT (Massachusetts institute of technology) en 1990. Dans une étude publiée début avril, France Stratégie montre que les pratiques du “modèle apprenant" favorisent la qualité au travail et sont cruciales pour relever les défis de l'époque.
Par Christelle Destombes - Le 27 avril 2020.
L'entreprise apprenante (EA) est une “organisation cherchant à augmenter les capacités d'apprentissage de ses membres, pour atteindre des objectifs partagés et anticiper les transformations futures". Changement de paradigme par rapport au modèle taylorien, qui divise les tâches de conception et d'exécution, le modèle diffère aussi de la lean production, introduite dans les années 1970 par Toyota, qui repose “sur une forte standardisation des activités et sur des normes de production prédéterminées, avec pour les salariés une logique d'apprentissage routinier et des marges de manœuvre limitées".
À partir de l'enquête européenne EWCS (European Working Conditions Survey) menée tous les cinq ans auprès des salariés dans les États membres de l'Union européenne, France Stratégie montre qu'en France, 43% des salariés du secteur privé exercent dans une EA, contre 40% pour la moyenne européenne, loin derrière les pays nordiques et les Pays-Bas (entre 54 % et 62 %). Avec la crise économique, la place des EA a reculé entre 2005 et 2010, singulièrement en France, où elle est passée de 46% à 30%, avec une augmentation continue des formes en lean production, passée de 22 à 32%.
Logique apprenante et qualité de vie au travail
Pourtant, le modèle apprenant favorise la qualité de vie au travail : l'autonomie des salariés y est combinée à un niveau élevé d'activité d'apprentissage et de résolution de problèmes. S'y retrouvent des secteurs tels que les activités financières, immobilières et les activités spécialisées, scientifiques et techniques, avec une surreprésentation des cadres, dirigeants et professions intermédiaires.
Dans ces entreprises, les salariés sont plus souvent consultés pour définir les objectifs de production, peuvent influer sur les décisions concernant leur travail et sont plus souvent consultés dans le choix de leurs collègues. Ils sont plus souvent en CDI, moins exposés aux risques psychosociaux et aux cadences de travail élevées. Ces organisations favorisent la diffusion des innovations dans l'économie.
Réforme de la formation ?
Alors que plusieurs défis majeurs attendent la France (big data, intelligence artificielle, intensification de la concurrence mondiale), France Stratégie plaide pour le développement des organisations apprenantes. Cela pourrait passer par une réforme de la formation : notre système accordant une plus grande valeur à la filière académique favorise des organisations hiérarchisées, alors les pays qui reconnaissent mieux les savoir-faire techniques favorisent le travail en équipe et la résolution de problèmes. L'instance propose ainsi de mettre en place un programme national en faveur des innovations managériales et organisationnelles, et de favoriser les actions de formation sur le lieu de travail.