Sébastien Carrié (Afor +): les tiers-lieux pour ouvrir les Mooc à tous
L'idée est de tenter, modestement, d'imaginer ce que pourraient être des Mooc moins "inégalitaires" qu'ils me semblent l'être aujourd'hui en plein confinement.
Par Sébastien Carrié - Le 11 mai 2020.
Je fais donc le pari, une fois la crise sanitaire passée, qu'il sera possible de tester des Mooc plus "alternatifs", notamment au sein de tiers-lieux. De plus, je pense utile de mettre en place des recherches-actions collaboratives au cœur de ce type de nouvelles pratiques dans la mesure où elles permettraient, sans doute, de passer d'une connaissance "sur" à une connaissance "avec" les utilisateurs de ces services
« Ce n'est pas donné à tout le monde. » Qui n'a pas entendu ou formulé cette expression dont l'aspect péremptoire semble souvent une manière de figer les inégalités dans l'ambre des prénotions ? Depuis le début du confinement, je me pose la question de la manière dont on peut tenter de prendre un peu plus au sérieux une telle affirmation. En effet, je fais l'hypothèse que le confinement creuse les écarts entre celles et ceux qui avaient déjà accès au processus de formation tout au long de l'existence et les autres… qui n'y ont pas accès faute de moyens matériels (connexion internet, livres, etc.) ou tout simplement parce qu'ils n'en connaissent pas le principe.
Prenons ici l'exemple des formations en ligne ouvertes à tous (Flot), plus connues sous son terme anglophone massive open online courses (Mooc). « Ce n'est pas donné à tout le monde », même si leurs promoteurs s'engouffrent (il n'est qu'à consulter les manchettes des journaux et autres sites internet) dans la brèche ouverte par le confinement : à chacun son Mooc et vive la formation à distance ! L'objet de ce court texte n'est pas de prolonger des analyses faites ailleurs [ 1 ]Par exemple, Éléonore Vrillon. Vers une démocratisation de l'éducation et de la formation par les Mooc ? : Étude des caractéristiques des utilisateurs de la plateforme France Université Numérique. Recherches en éducation, Université de Nantes, 2017, pp. 138-155. halshs-01620436., mais bien plutôt de se projeter dans l'après-confinement en posant une question simple : comment favoriser l'accès aux Mooc à une partie de la population qui en est aujourd'hui exclue ? Ceci sans tomber dans une forme de « démocratisation ségrégative » [ 2 ]Merle Pierre, 2000, « Le concept de démocratisation de l'institution scolaire : une typologie et sa mise à l'épreuve », Population, vol. 55(1), p. 15-5.?
Une gageure ? Une manière trompeuse de lutter contre le creusement des inégalités d'accès à la formation tout au long de la vie en cherchant à améliorer un de ses outils les plus puissants ? Certainement un peu de tout cela à la fois, mais j'ai l'intuition qu'il existe encore des pistes d'actions à suivre, et ce, d'autant plus si elles sont associées à des démarches scientifiques (pensons aux recherches-actions collaboratives). Étant administrateur d'un tiers-lieu culturel en milieu rural, je souhaiterais par exemple y expérimenter à la fois la co-construction de Mooc avec des publics hybrides (personnes exclues jusqu'à présent de ce type de formation, enseignants, formateurs, etc.), mais aussi la mise en place d'une sorte de tutorat pour ceux qui, seuls, ne parviennent que rarement à aller au bout ou, s'ils y arrivent, se sentent néanmoins isolés. Si les modalités restent encore à définir (lieu, nombre de personnes, etc.), voici donc une expérience qu'il serait captivant de pouvoir mener en divers endroits de France et d'ailleurs tout en croisant nos regards respectifs. Chiche ?
Notes
1. | ↑ | Par exemple, Éléonore Vrillon. Vers une démocratisation de l'éducation et de la formation par les Mooc ? : Étude des caractéristiques des utilisateurs de la plateforme France Université Numérique. Recherches en éducation, Université de Nantes, 2017, pp. 138-155. halshs-01620436. |
2. | ↑ | Merle Pierre, 2000, « Le concept de démocratisation de l'institution scolaire : une typologie et sa mise à l'épreuve », Population, vol. 55(1), p. 15-5. |