2020, une année de rupture pour les CFA (Evénement Centre Inffo )
L'écosystème de l'apprentissage a mené sa transformation sous la double pression d'un volume record de contrats et de la crise sanitaire. La transition vers un nouveau modèle de gestion a mis les CFA et les Opco sous tension, les amenant à construire des outils communs. Décryptage d'une année charnière sur fond d'incertitudes financières lors de l'événement organisé par Centre Inffo le 8 juillet.
Par Catherine Trocquemé - Le 12 juillet 2021.
La réforme de l'apprentissage a donné sa pleine mesure en 2020. Derrière les chiffres records, le marché vit une révolution culturelle à marche forcée dont on a mesuré l'ampleur lors d'un événement organisé par Centre Inffo le 8 juillet. Plus compliquée que prévue, la transition des CFA historiques vers un modèle économique hybride a fait naître des besoins en accompagnement et de nouvelles relations avec les Opco. Une coopération qui prendra tout son sens dans un contexte de développement fort de l'apprentissage.
Un bilan qualitatif nuancé
Les niveaux sont historiques. L'année 2020 a enregistré plus de 525 000 contrats signés en hausse de 42% par rapport à 2019. Le bilan qualitatif est plus nuancé. Des voix s'élèvent pour pointer la prime à l'enseignement supérieur et le transfert significatif des contrats de professionnalisation vers les contrats d'apprentissage plus avantageux financièrement. Le ministère marche sur des œufs. « La dynamique de l'apprentissage dans l'enseignement supérieur ne date pas de la réforme de 2018. Mais on doit rester vigilant sur les niveaux bac et infra-bac, notamment dans des secteurs en pénurie de compétences », déclare Linda Debernardi. Sur le maintien des contrats de professionnalisation, la position de la conseillère formation au cabinet du ministère du Travail est plus affirmée : « ils répondent aux besoins de publics différents et ont toute leur place dans le système de la formation ».
Changement de paradigme pour les CFA
En coulisses, les CFA vivent une rupture majeure avec le modèle historique de subvention d'équilibre administré par les Régions. Difficile encore pour eux de s'approprier les nouvelles relations avec l'entreprise où se négocient les termes d'une contractualisation et avec les Opco devenus « tiers payant » des niveaux de prise en charge. « Avec l'entreprise, les CFA signent une convention de formation dans laquelle se fixent librement le prix et les modalités de règlement », rappelle Valérie Michelet, consultante senior de Centre Inffo. Les CFA doivent donc maîtriser les techniques de détermination d'un prix en fonction de leurs coûts, d'un benchmark du marché, de leur stratégie d'investissements et, bien-sûr des niveaux de prise en charge fixés par les branches. Avec les Opco, ils ont dû se familiariser avec les process de facturation. Un apprentissage sous-estimé. « Nous nous étions pourtant préparés dès 2019. Mais il y a eu des résistances techniques et comptables que nous n'avons pas suffisamment anticipés », reconnaît Rachid Hanifi, directeur général adjoint de l'Opco Mobilités.
Construction d'outils communs
Après des débuts chaotiques, la mise en place d'un comité technique réunissant les 11 Opco et les têtes de réseau des CFA s'est imposée. « Nous devions avancer de façon constructive sur des sujets stratégiques comme apurer les contrats en stock, harmoniser les procédures ou encore se mettre d'accord sur un langage commun et une compréhension partagée des nouvelles règles », détaille Thierry Teboul, directeur général de l'Afdas. Fruit de ce dialogue, un vade-mecum validé par la DGEFP [ 1 ]Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle a vu le jour. Reste à le diffuser largement auprès des CFA.
Un point a particulièrement crispé les relations entre CFA et Opco, l'hétérogénéité des systèmes d'information. « La création d'un guichet unique est illusoire mais nous avons travaillé sur un projet d'interface que nous allons expérimenter dès la rentrée 2021 », tient à préciser Thierry Teboul. Pour les têtes de réseau, le comité technique doit perdurer. « Nous avons besoin de poursuivre notre coopération notamment sur des sujets comme le déploiement du préapprentissage ou l'identification des besoins », ajoute Didier Pignon chargé de mission au sein de l'union nationale des Maisons familiale rurales (MFR) dont l'activité apprentissage a progressé de 10% en 2019 et de 20% en 2020.
La régulation financière en question
Dans le même temps, le travail d'observation des coûts et de convergence des niveaux de prise en charge confié à France compétences par la loi « Avenir professionnel » se poursuit. Les CFA doivent remonter leur comptabilité analytique avant le 15 juillet. « A l'automne, nous devrions pouvoir publier les coûts de revient pour chacune des certifications éligibles à l'apprentissage. Dans un second temps, viendra une analyse plus qualitative », précise Michel Ferreira-Maia, directeur de la régulation de France compétences. L'exercice inquiète à un moment clé de la réforme. « Il faut être attentif à la clé de répartition des charges. Nous sommes encore en train de questionner notre modèle économique », confirme Patrick Chemin, secrétaire général par intérim des Compagnons du Devoir. En arrière-plan de ce travail de convergence, se pose la question de plus en plus pressante de la soutenabilité de l'apprentissage et de l'ajustement de la réforme de 2018 aux nouveaux enjeux de la relance. Un sujet devenu éminemment politique.
Notes
1. | ↑ | Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle |