Fabienne Maillard, professeur en sciences de l’éducation à l’Université Paris 8, invitée à s’exprimer à l’occasion du colloque du Rumef.

« J'invite à penser la dimension politique de la prospective » (Fabienne Maillard, Rumef)

Les exercices de prévision en vue d'améliorer le lien emploi-formation se sont succédé au fil des années. Mais sont-ils exacts et pertinents ? La spécialiste des sciences de l'éducation, Fabienne Maillard, a apporté un éclairage sur ces questions ce 18 mars, à l'occasion du colloque du réseau des universités préparant aux métiers de la formation (Rumef).

Par - Le 22 mars 2021.

La loi du 5 septembre 2018 « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » s'est fixé pour ambition de rendre l'individu acteur de son parcours. Avec un corollaire. « Une demande est adressée à la fois aux individus et aux agents de la formation […] de prévoir les évolutions des emplois pour choisir les formations les plus sécurisantes », décrypte Fabienne Maillard, professeur en sciences de l'éducation à l'université Paris-XIII, invitée à s'exprimer à l'occasion du colloque du Rumef.

Adéquationnisme

Plusieurs organisations se sont succédé, pouvant fournir des travaux prospectifs dans le domaine de l'emploi et de la formation, rappelle Fabienne Maillard : le groupe Prospective des métiers et qualifications (PMQ), le Centre d'analyse stratégique, France Stratégie… « Et les erreurs n'ont jamais manqué », constate l'universitaire. La crise financière de 2008, la réforme des retraites, ou l'actuelle pandémie, sont autant d'évènements imprévus qui ont mis à mal les exercices de prévision.

De manière générale, prévoir est toujours difficile : le comportement des entreprises n'est pas toujours rationnel. Les orientations formation des Régions peuvent aussi être balayées par un changement de majorité. Faut-il alors se passer de prospective ? « [Elle] est indispensable, je n'interviens pas pour remettre en cause sa nécessité. Si je le fais, c'est pour combattre des idées reçues, des manières de penser et de faire qui sont trop adéquationnistes », insiste Fabienne Maillard. « J'invite à réfléchir autrement et à penser la dimension politique de la prospective », complètera-t-elle, après avoir évoqué l'hypothèse d'un transfert de responsabilité, en matière notamment de formation, des entreprises vers les travailleurs.

Le métier de formateur

Les travaux de prospective se sont aussi penchés sur la catégorie des formateurs, observe Fabienne Maillard. Sans grand succès là non plus. « Tous les auteurs prévoyaient la croissance du nombre de formateurs. […] Finalement, toutes les perspectives de croissance et l'optimisme antérieur se sont trouvés contredits », constate-t-elle.

Les chiffres sont, en revanche, plus précis sur la situation des formateurs. Leur métier s'est féminisé, mais reste marqué par les contrats courts et le temps partiel. « Le niveau de diplôme des formateurs a considérablement augmenté, mais cela ne suffit pas à sécuriser leurs parcours. […] Ces agents se situent bien souvent sur un marché concurrentiel qui limite les carrières et les salaires », analyse Fabienne Maillard. Preuve selon elle, s'il en fallait encore, que « la formation ne fait pas l'emploi ».