Le Sénat appelle à pérenniser le financement de France compétences
Dans un rapport d'information adopté récemment, la commission des affaires sociales du Sénat appelle à prendre « des décisions structurelles » pour sécuriser et améliorer le système de la formation professionnelle et de l'apprentissage. Adaptation des mécanismes financiers et évolution du rôle de France compétences font partie des solutions préconisées.
Par Estelle Durand - Le 04 juillet 2022.
France compétences est au cœur d'un nouveau rapport. Après la Cour des comptes qui publié le 23 juin les conclusions du contrôle qu'elle a opéré sur l'instance de régulation, c'est au tour de la commission des affaires sociales du Sénat de présenter les résultats de ses travaux. Ce rapport adopté le 29 juin pointe le « succès mal anticipé » de la réforme de 2018 et ses conséquences sur la situation financière de France compétences.
Des « décisions structurelles » attendues pour combler le déficit
Après avoir atteint 4,6 milliards d'euros en 2020 et 3,2 milliards d'euros en 2021, le déficit de l'instance de régulation et de financement pourrait approcher les 5,9 milliards d'euros en 2022. En cause, le développement de l'alternance et compte personnel de formation (CPF), deux dispositifs dont les dépenses ne sont pas plafonnées, et la baisse des recettes liée à la crise. Selon les rapporteurs [ 1 ]Frédérique Puissat (Les Républicains), Corinne Féret (groupe socialiste, écologiste et républicain) et Martin Lévrier (Rassemblement des démocrates progressistes et indépendants), les dotations exceptionnelles de l'État (2,75 milliards d'euros en 2021) sont insuffisantes et « ne constituent pas une solution pérenne. ». Et le recours à l'emprunt bancaire, « qui fait peser sur l'établissement une charge d'intérêts de près de 5 millions d'euros en 2022, n'est pas soutenable. » « Ces mesures ponctuelles devront donc céder le pas à des décisions structurelles », soulignent les auteurs du rapport.
Des pistes pour réduire les dépenses et augmenter les recettes
Comme la Cour des comptes, la commission des affaires sociales du Sénat avance plusieurs propositions pour réduire les dépenses et augmenter les recettes. Régulation du CPF avec instauration d'un reste à charge dans certaines circonstances, baisse des niveaux de prise en charge des contrats d'apprentissage comme vient de l'acter le conseil d'administration de France compétences, suppression des exonérations de taxe d'apprentissage ou encore plafonnement de la dotation au plan d'investissement dans les compétences et baisse de son montant en cas d'amélioration de la situation du marché du travail… font partie des nombreuses pistes explorées.
Associer France compétences aux orientations stratégiques
Au-delà des aspects financiers, les sénateurs suggèrent des évolutions du rôle et du fonctionnement de France compétences. L'instance nationale née de la réforme de 2018 « ne dispose que de leviers de régulation très limités », constate le rapport. Et malgré sa gouvernance quadripartite, peu de place est laissée aux différents acteurs dans la définition des orientations stratégiques. Son conseil d'administration « est actuellement moins une instance de décision qu'un espace d'information et d'échanges, les décisions politiques étant prises en amont par l'État, ce qui est source de frustrations. » Les sénateurs de commissions des affaires sociales préconisent de mobiliser davantage les parties prenantes en amont des décisions – en organisant par exemple des réunions avec le ministère du Travail pour établir des « diagnostics partagés » - et de renforcer le rôle de l'assemblée générale de France compétences y compris en matière de régulation financière.
Une dimension sectorielle et territoriale à renforcer
Le rapport suggère par ailleurs d'inscrire l'intervention de France compétences dans une démarche plus sectorielle et territoriale. Pierre angulaire du système issu de la réforme, l'instance nationale devrait associer davantage à son action les branches professionnelles et les Comités régionaux de l'emploi, de l'orientation et de la formation professionnelle (Crefop).
Recentrer les missions de France compétences
Autres pistes à explorer pour améliorer le système créé par la réforme de 2018 : « identifier les missions pour lesquelles France compétences n'est pas l'opérateur le plus efficient et adapté, afin que l'établissement puisse se concentrer sur ses principales missions de financement et de régulation. » La mise en œuvre du système d'information commun des associations Transitions Pro ou la reconnaissance des instances de labellisation habilités à délivrer la certification Qualiopi ne devraient pas être du ressort de France compétences, estiment les rapporteurs. Dans la lignée des préconisations de la Cour des comptes, ils proposent par ailleurs que France compétences puisse bénéficier d'une subvention pour charge de service public provenant du budget de l'État. Aujourd'hui, l'établissement finance ses dépenses avec une fraction des contributions des entreprises à la formation professionnelle et à l'apprentissage.
Pour aller plus loin :
La synthèse du rapport
Le rapport complet
Notes
1. | ↑ | Frédérique Puissat (Les Républicains), Corinne Féret (groupe socialiste, écologiste et républicain) et Martin Lévrier (Rassemblement des démocrates progressistes et indépendants) |