Philippe Dole, inspecteur général des affaires sociales honoraire, en mission pour la ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion.
Plus de paritarisme pour résorber les tensions de recrutement ?
La mission conduite par l'inspecteur général des affaires sociales, Philippe Dole, revisite les solutions pour lutter contre les tensions de recrutement. Invitées à négocier sur les leviers d'attractivité de leurs métiers, des branches professionnelles ont signé des chartes d'engagement avec les ministres concernés, ouvrant la voie à une approche coordonnée et globale.
Par Catherine Trocquemé - Le 29 novembre 2022.
Le quotidien de la formation. En quoi l'approche de cette mission marque t-elle une rupture ?
Philippe Dole. Pour traiter les causes multifactorielles des tensions de recrutement, il nous faut une approche globale mobilisant l'ensemble des acteurs, publics et privés, et en créant les conditions d'une meilleure coordination de leurs actions. Avec les instances paritaires, nous avons pu identifier et formaliser l'ensemble les leviers structurels dont disposent les branches professionnelles. Ces réflexions partagées ont mis en lumière l'importance d'y intégrer les questions d'attractivité autour des rémunérations, de la qualité de vie au travail ou encore des perspectives d'évolution de carrière. Les rencontres organisées entre les branches, les Régions et les services de l'Etat ont permis de poser les enjeux, les attentes respectives, de partager un diagnostic et d'instaurer le cadre d'un dialogue et d'une coopération constructive. Les chartes d'engagement signés par certaines branches avec les ministres s'inspirent de ces échanges et fournissent un outil de suivi.
QDF. Au sein des branches professionnelles, quelles sont les conditions de réussite de cette approche ?
Ph D. Négocier dans l'objectif de renforcer l'attractivité des métiers suppose une volonté forte de fonctionner de façon paritaire et de redynamiser les pratiques du dialogue social. Certaines branches ont pu ainsi aller plus loin sur les questions de qualité de vie au travail, les rémunérations, la distribution de valeur ou encore l'introduction de nouvelles classifications. Pour d'autres, l'exercice n'a pas pu aboutir révélant ou confirmant des blocages. Autre sujet à traiter au sein des branches, la publication systématique et une meilleure diffusion des travaux prospectifs de leurs observatoires. Stratégiques pour nourrir les professionnels de l'orientation et de l'accompagnement, ces données restent sous-exploitées. France compétences a engagé, avec les branches, un travail d'harmonisation de ces ressources et d'optimisation des systèmes d'information. Enfin, les instances paritaires doivent consolider leur représentation territoriale.
QDF. Quelles sont les engagement pris par les pouvoirs publics ?
Ph D. Nous n'exploitons pas assez la richesse notre réseau d'intervenants dans le champ de l'emploi et de l'insertion. Nous avons besoin de les rendre visibles et de faciliter les mises en relation avec les branches et les entreprises. Lors de cette mission, les branches professionnelles ont pu rencontrer les différents services de l'Etat et, dans certains cas, en découvrir. Plus structurant encore, des freins ont été identifiés pour lesquels les pouvoirs publics se sont engagés à trouver des solutions. C'est le cas, par exemple, de l'optimisation de l'instruction des diplômes et titres, de la réduction des délais de délivrance du permis de conduire ou d'évolutions à apporter à la réglementation. Avec les Régions, les échanges ont confirmé l'intérêt d'une concertation et, avec Pôle emploi, l'utilité de mettre en place des modalités d'une coopération plus efficiente. Aucun acteur ne détient à lui seul la solution. Afin d'inscrire dans la durée cette nouvelle approche, un référent au sein des cabinets des ministères concernés a été désigné et un comité de pilotage suivra la mise en œuvre des chartes d'engagement.