Jean-Claude Bellanger, fondateur du cabinet Indicom.
Comment lutter contre les ruptures de contrats d'apprentissage ?
Libéralisé par la réforme de 2018 et soutenu financièrement par les pouvoirs publics, l'apprentissage affiche des chiffres record. Pour inscrire cette dynamique dans la durée, l'ancien secrétaire général des Compagnons du devoir Jean-Claude Bellanger prône un travail sur la qualité pédagogique et les relations entre l'entreprise et le centre de formation d'apprentis.
Par Catherine Trocquemé - Le 20 octobre 2022.
Avec plus de 710 000 apprentis en 2021, soit une augmentation de 70% par rapport à 2016, une première bataille a été gagné. Pour autant rien n'est acquis. Le système, lourdement déficitaire, résistera-t-il à une baisse des aides à l'embauches et des niveaux de prise en charge ? Les entreprises réussissent-elles à recruter et fidéliser leurs apprentis ? L'apprentissage parvient-il à attirer les jeunes vers les métiers en tension ? Des questions à se poser alors que le gouvernement ambitionne d'atteindre le million d'apprentis en 2027. Invité à l'Amphi débat organisé le 11 octobre par l'Université ouverte des compétences (UODC), Jean-Claude Bellanger, consultant et ancien secrétaire général des Compagnons du devoir. « Avec des taux d'abandon autour de 30%, on peut être inquiet. Il faut absolument travailler l'ingénierie pédagogique des parcours et construire de véritables relations entre les entreprises et les CFA ».
La collaboration entre entreprises et CFA au cœur du projet pédagogique
A travers sa mission réalisée pour le gouvernement sur la pénurie de main d'œuvre dans le secteur du BTP et ses expériences d'accompagnement de CFA, Jean-Claude Bellanger observe une corrélation entre le taux de rupture des contrats et l'absence de coordination entre l'entreprise et le centre de formation. « Aujourd'hui, seul le carnet de liaison assure ce lien pourtant crucial. Sans une reconnaissance et une validation des compétences acquises dans l'entreprise, il n'y a pas d'apprentissage ». Pour le Compagnon, l'essor de cette modalité de formation doit donc s'accompagner d'une transformation des approches pédagogiques. L'individualisation des parcours y est particulièrement nécessaire et implique des échanges réguliers entre le formateur et le tuteur. Ces relations doivent se structurer et se formaliser en s'appuyant notamment sur des outils digitaux.
Une politique de contrôle efficace
Trop souvent, les abandons n'ont pas été anticipés faute d'un suivi personnalisé des apprentis et d'une communication entre le CFA et l'entreprise. Les parties prenantes ne prennent pas toujours le temps de se réunir afin d'identifier et, au besoin, de résoudre les difficultés rencontrées ? Les médiateurs existent mais sont rarement saisis. « Il faudrait rendre ce recours plus visible », souligne Jean-Claude Bellanger. Autre point de vigilance, la multiplication des contrôles réalisés par les financeurs sans effort d'harmonisation auxquels s'ajoute ceux effectués par les certificateurs dans le cadre de Qualiopi brouille le message. « Nous risquons de passer à côté du sujet. Un cahier des charges partagé pourrait intégrer les bonnes pratiques pédagogiques et encourager la collaboration entre le CFA et l'entreprise ». Après deux années d'une spectaculaire progression des chiffres et de la notoriété de l'apprentissage, la prochaine bataille sera celle de la qualité.