2023, année charnière pour le système de la formation professionnelle
Le gouvernement a engagé plusieurs chantiers pour adapter et ajuster le système de la formation professionnelle et de l'apprentissage issu de la réforme de 2018. Un webinaire, organisé par Centre Inffo le 18 avril, a permis d'en dresser un panorama détaillé. Aucun jeu de pronostic, mais un point d'étape documenté, basé sur les premières pistes esquissées dans les textes législatifs, rapports et déclarations d'intentions.
Par Sophie Massieu - Le 21 avril 2023.
Pacte de la vie au travail qui sera élaboré par le dialogue social comme évoqué par le président de la République le 17 octobre, futur projet de loi sur le plein emploi dont les contours restent imprécis… Difficile d'y voir clair, à ce stade, sur les mouvements à venir dans le champ de la formation professionnelle et de l'apprentissage. Une chose est sûre, plusieurs jalons ont d'ores et déjà été posés à travers une série de textes législatifs votés ces derniers mois : loi de finances, loi contre la fraude au compte personne de formation (CPF), loi sur le marché du travail qui modernise la validation des acquis de l'expérience (VAE) et plus récemment, la contestée réforme des retraites. Lors du Club du droit du 18 avril, Valérie Michelet, juriste experte et Fouzi Fethi, responsable du pôle droit et politique de formation de Centre Inffo, ont passé en revue les évolutions en cours et à venir.
Le compte professionnel de prévention au service des mobilités
Premier chantier attendu : celui des transitions professionnelles. L'enjeu consistera à rapprocher des aspirations individuelles, que traduisent les choix de formation, et les démarches collectives, que sont les besoins des entreprises. Pour y parvenir, le compte professionnel de prévention (C2P) devrait entrer en scène. La loi retraites prévoit la création d'un fonds d'investissement dans la prévention des risques professionnels, doté d'un milliard d'euros pour l'ensemble du quinquennat, dont 30 millions en 2023. Confié à France compétences, ce budget devrait être reversé aux associations de transitions professionnelle pour permettre à des personnes occupant des emplois exposant à une usure professionnelle de se reconvertir. Comme pour l'ensemble des projets de transitions professionnelles, outre les coûts pédagogiques, la rémunération et les frais annexes (transports, hébergement…) seront alors couverts pour les salariés concernés.
Un contrat de professionnalisation revisité
Autre dispositif appelé à évoluer : le contrat de professionnalisation. L'exécutif veut le repositionner comme outil de transition. D'autant qu'il permet de préparer des formations courtes et rapides, comme les certificats de qualification professionnelle (CQP). Plus souple, et plus ouvert que le contrat d'apprentissage, avec lequel il ne devrait pas fusionner, le contrat de professionnalisation, pourrait ainsi devenir un allié des mobilités, internes et externes. De même que la VAE inversée, telle que prévue dans la loi sur le marché du travail de décembre 2022.
CPF : la régulation en marche
Le CPF, outil restant à la main du salarié pour son choix de formation professionnel, va continuer à faire l'objet de régulations. D'abord en matière de sous-traitance : si elle n'est pas interdite par le législateur, des conditions restrictives sont fixées, comme la détention de la certification Qualiopi ou l'obtention d'une habilitation de la part du certificateur dès lors que le sous-traitant délivre une formation éligible au CPF. La portée de cette mesure doit être précisée par décret.
Deuxième disposition relative au CPF : l'instauration du ticket modérateur. Cela s'inscrit dans une logique de responsabilisation des titulaires, et de co-construction du parcours de formation avec l'employeur. Au risque d'une forme d'adéquationnisme ? Là encore, le principe est acté. Mais les modalités d'applications restent à préciser par décret.
Qualité et certifications professionnelles
Dans le champ de la qualité et de la certification Qualiopi des ajustements inspirés des leçons de l'expérience se profilent, concernant les modalités d'audit et l'articulation entre les différentes procédures de contrôle. Quant aux certifications professionnelles, la refonte engagée en 2018 va se poursuivre. En ligne de mire : les certification d'Etat qui, à terme, devraient être soumises aux mêmes exigences que les privées.
Les enjeux financiers
Enfin la dynamique de l'apprentissage restera inchangée jusqu'à la fin du quinquennat. Mais l'essor de cette modalité de formation pose diverses questions. En particulier celle de la résorption des déficits de France Compétences. Une problématique, qui passera sans doute, par une réduction des dépenses, avec la nouvelle étape de révision des niveaux de prise en charge annoncée pour juillet ; et par l'augmentation des recettes, via un budget étatique, puisque l'exécutif se refuse à augmenter les contributions des entreprises. Mais ce soutien émanera-t-il toujours, ou toujours exclusivement, du ministère du Travail ? D'autres ministères, comme celui de l'Enseignement supérieur, pourraient-ils se trouver mis à contribution ? La question reste entière.