Fouzi Fethi, responsable du pôle droit et politiques de formation, conférences et formations, à Centre Inffo.
2024, une année charnière pour le secteur de la formation ?
A bas bruit, le système de formation évolue. En 2024, la régulation se durcit, la mise en place de France Travail et de France VAE impulse de nouvelles approches dans les politiques publiques et la question de la soutenabilité financière devra être tranchée. La fin d'une ère de prodigalité ?
Par Catherine Trocquemé - Le 15 décembre 2023.
Sans être remise en cause dans ses fondamentaux, la réforme de 2018 ne cesse de s'ajuster. Ces dernières années, des mesures correctrices se sont ainsi succédé pour renforcer la régulation d'un système largement libéralisé et pour adapter les dispositifs de formation à la transformation des compétences. Dans ce contexte mouvant, pas toujours facile pour les acteurs de s'y retrouver et d'évaluer leur impact sur leurs pratiques ou leur marché. Le dernier Club du droit de l'année organisé par Centre Inffo le 12 décembre dernier fait le point sur les évolutions attendues en 2024. « L'actualité sera chargée », note Fouzi Fethi, responsable du pôle droit et politiques de formation au sein de Centre Inffo.
Un renforcement de la régulation
Alors que l'investissement de l'Etat ne fléchit pas en 2024 (voir encadré), la régulation continue de se durcir. Mis à mal par la libéralisation et la dynamique du marché, le système qualité s'affermit autour de Qualiopi, d'une plus grande mutualisation des contrôles, d'une réflexion sur leurs référentiels et d'un travail sur les échanges d'information au sein de l'écosystème. De nouveaux textes réglementaires encadrent les règles d'accès à la sous-traitance sur la plateforme du CPF et renforcent les prérogatives de contrôle des Opco et des ATPro en matière d'apprentissage. Pour les organismes de formation, ces mesures impliquent de revisiter leurs contrats de sous-traitance. « La définition des missions confiées devra être plus rigoureuse », confirme Valérie Michelet, juriste sénior au sein du pôle droit et politique de formation de Centre Inffo. L'interdiction de recourir à la sous-traitante de second rang et auprès d'organismes ayant fait l'objet d'un déréférencement vise directement des pratiques frauduleuses observées sur le marché du CPF. Les CFA, de leur côté, pourront faire l'objet de contrôles de service fait approfondis y compris sur place avec, en cas de dysfonctionnements, le risque de se voir suspendre le paiement et refuser de nouvelles prises en charge.
Une POE simplifié et assoupli
Avec la mise en place de France Travail, la construction d'un réseau rassemblant tous les acteurs de l'insertion et de l'emploi devrait faciliter les parcours des demandeurs d'emploi et favoriser leur accès à la formation. Dans ce nouveau cadre l'Etat pourra, après accord de la région, organiser et financer des formations100% à distance. La préparation opérationnelle à l'emploi (POE) plébiscitée par de nombreuses entreprises face à la pénurie de compétences s'ouvre aux travailleurs handicapés et devient un dispositif unique en fusionnant avec l'action de formation préalable à l'embauche (AFPR). Simplifié, il élargit donc ainsi son périmètre et assouplit les conditions du contrat de travail en termes de durée et de nature. Les Opco et tout organisme du réseau désigné par France Travail pourront être associés à l'instruction de la POE.
Une nouvelle dynamique pour la VAE
Le big bang de la VAE voulu par le gouvernement prend forme. Le projet de décret porte la création du groupement d'intérêt public (Gip). L'année 2024 marquera une étape importante dans le déploiement de cette réforme autour du portail dématérialisé baptisé France VAE, ouvrant ainsi un marché pour les nouveaux AAP (Architectes accompagnateurs de parcours). Ces derniers devront obtenir la certification Qualiopi et être référencés par le Gip. Clés de voûte d'un dispositif simplifié et structuré, ces AAP accompagneront les candidats dans leurs démarches tout au long de leur parcours. Ses modalités restent à préciser par un arrêté et le niveau de prise en charge sera fixé par le Gip en assemblée générale.
Organiser les transitions professionnelles
Au-delà de ces évolutions, 2024 sera marquée par des arbitrages sur la soutenabilité financière de l'apprentissage après un cycle de concertations annoncé pour le printemps prochain et par le grand retour de la négociation interprofessionnelle autour de l'emploi senior et des parcours professionnels. Ces chantiers pourraient sensiblement changer la donne. En matière de reconversions considérées comme le maillon faible de la réforme de 2018, TransCo et la ProA sont sur la sellette. Certaines propositions sont connues comme l'introduction d'une dose d'intermédiation sur le marché du CPF via le conseil en évolution professionnelle (CEP) ou les entreprises dans une démarche de co-construction. Le gouvernement, de son côté, préconise une simplification des dispositifs en réformant le contrat de professionnalisation pour en faire le point d'entrée privilégiée des transitions professionnelles par l'alternance. Quant à l'épineux dossier de la soutenabilité du système, 2024 pourrait bien être la fin du « quoiqu'il en coûte ».
Un niveau d'investissement inédit de la part de l'Etat
Devenue un des leviers du plein emploi, la formation bénéficie d'un effort financier soutenu de la part de l'Etat. Dans l'attente d'arbitrages sur la soutenabilité d'un système structurellement déficitaire, la loi de finances de 2024 entérine la poursuite des aides aux contrats en alternance à hauteur de 3,9 milliards d'euros et augmente encore la dotation à France compétences à hauteur de 2,5 milliards d'euros, soit 500 millions de plus qu'en 2023. Débloquée à la faveur de la crise sanitaire, l'enveloppe du FNE-Formation semble se pérenniser, malgré une légère baisse, à 273 millions d'euros. |