Anticiper les compétences de demain, un double enjeu pour la formation

Parce qu'elles modifient en profondeur les activités et les métiers, les transformations technologiques, économiques et sociétales placent la question des compétences et les acteurs de la formation au centre du jeu. C'est le message porté par Christopher Sullivan, président des Acteurs de la compétence en ouverture de la 3^ème édition de Skillfest, le 8 juin. « Notre filière, - le développement des compétences -, est plus que jamais au carrefour de ces transformations. Nous avons une responsabilité et un rôle majeur à jouer. Nous devons œuvrer au changement collectivement. »

Des métiers bouleversés par l'automatisation

La compréhension des mutations qui touchent les organisations et les métiers est devenue un enjeu clé pour les acteurs de la formation. Dans le champ des technologies, la révolution portée par l'intelligence artificielle va créer et détruire des emplois mais aussi transformer le quotidien de nombreuses activités. « La moitié des heures travaillées en France sont automatisables, ce qui ne veut pas dire que la moitié des métiers vont disparaître. Seulement 5 % pourraient être totalement remplacés par des machines. Dans 60 % des métiers, il s'agira d'une automatisation partielle », explique Isabelle Rouhan, fondatrice du cabinet de recrutement Colibri Talent et du think tank l'Observatoire des métiers du futur.

Des métiers à inventer

L'ex-salariée de Facebook dresse un panorama des transformations à l'œuvre dans le champ des compétences à l'heure du digital et de l'IA. Si certains métiers, comme celui d'avocat par exemple, vont évoluer à la marge et tirer profit des possibilités d'automatisation pour se concentrer sur des tâches à plus forte valeur ajoutée, d'autres vont être plus profondément modifiés. C'est le cas par exemple pour les postes de management afin de tenir compte de nouvelles méthodes d'organisation ou de pilotage de projets. Mais surtout, de nouveaux métiers vont voir le jour sous l'impulsion des innovations de demain : « éducateur de robot, éthicien de l'IA, anticipateur de scénarios de crise, médecin numérique… », détaille Isabelle Rouhan. Et de préciser que selon une étude de l'Institut du futur, « 85 % des personnes aujourd'hui en formation initiale exerceront en 2030 un métier qui n'existe pas encore. » Pour réussir dans ces métiers du futur, il faudra, selon elle, faire preuve d'agilité, être en capacité d'apprendre à apprendre et tenir compte des diversités.

L'IA au service de la formation

Le secteur de la formation, lui-même, est touché par ces mutations technologiques. « Après la vague du e-learning et des Mooc aux débuts des années 2000, il ne s'est pas passé grand-chose », constate Gilles Babinet, co-président du Conseil national du numérique. « Mais ce qui est en train d'arriver avec l'intelligence artificielle, c'est une rupture majeure » parce qu'elle offre, selon lui des possibilités d'individualiser davantage les parcours et de les adapter aux difficultés rencontrées par les apprenants. L'intelligence artificielle ouvre de nouvelles perspectives dans le secteur de la formation. Et certains acteurs, y compris dans les entreprises, commencent à en esquisser le potentiel. Supports de formation, méthodes d'apprentissage, façon de s'entraîner : l'IA va bousculer les pratiques, selon Johann Ghilini, directeur formation au sein du groupe Société générale. Avec l'IA, les enregistrements des centres d'appels pourraient, par exemple, servir à créer des formations en situation pour des conseillers clientèle, imagine le directeur formation…