Comment bâtir une stratégie d'appropriation de l'IA en formation ?
Comment intégrer l'intelligence artificielle (IA) pour concevoir des formations ? S'agit-il d'individualiser le parcours en adaptant le contenu en temps réel ? Plusieurs retours d'expérience ont été présentés lors du Digital learning day, le 22 juin.
Par Mariette Kammerer - Le 28 juin 2023.
Quel peut être le rôle de l'IA dans la conception des formations, par rapport à celui des experts pédagogiques? Cette question était posée lors de la conférence intitulée « Bâtir une stratégie d'appropriation de l'IA en formation ». Sur des thématiques très spécifiques, propres à l'entreprise, l'IA n'aura rien à apporter. « En revanche, sur des sujets « génériques » - compétences comportementales, académiques - sur lesquels il existe déjà un corpus important, l'IA peut être utile pour synthétiser ce qui existe », explique Son Ly, spécialiste en sciences cognitives et directeur de Didask, une plateforme e-learning utilisant une IA pédagogique.
Quelle place reste-il alors à l'expert ? « L'expert connaît le contexte de la formation, le public, et les problématiques du terrain, c'est sa plus-value : pouvoir recontextualiser et faire part de son expérience, de son vécu. C'est un rôle très important », estime Son Ly. L'IA ne peut pas remplacer la réflexion autour de l'ingénierie pédagogique. « Dans le processus de conception, l'expert peut utiliser l'IA pour identifier des mises en situation pertinentes et pour concevoir de bons exercices d'entraînement tout au long de la formation. Tout comme l'IA peut l'aider à résumer et découper le contenu de formation », ajoute-t-il.
« Adaptative learning »
A l'IFCAM, l'université du Crédit Agricole, le recours à l'intelligence artificielle avait pour objectif « d'optimiser les temps de formation des collaborateurs, notamment les formations réglementaires qui étaient très chronophages », rapporte Pascal Mollicone, en charge des formations métiers. Depuis 2017 l'Ifcam avait conçu 25 Quizz thématiques de positionnement, qui en fonction des scores obtenus par le salarié permettaient de lui prescrire telle ou telle formation.
« L'intelligence artificielle nous a permis d'adapter les questions posées au fur et à mesure du quizz, en fonction des réponses données par le salarié et de son niveau de maîtrise », explique Pascal Mollicone. Les questions ont été organisées non plus par thématique mais par compétences, avec 4 niveaux de maîtrise différents et des questions discriminantes. Les contenus de formation existant ont été redécoupés de manière à obtenir une meilleure « granularisation », c'est-à-dire plusieurs modules courts plutôt qu'un long. Le pilote a été déployé sur plusieurs caisses régionales. « Nous n'avons pas gagné beaucoup de temps sur le déroulement des Quizz eux-mêmes, en revanche nous avons pu diviser par deux les temps de formation proposés. Car les questions posées sont plus adaptées, plus pertinentes, et l'algorithme propose uniquemement les modules nécessaires sur les compétences manquantes».
Suivi individualisé
Un exemple proche a été donné par Nicolas Bourgerie, directeur de Teach-Up, une plateforme d'adaptative learning. En exploitant les données de deux millions de formations suivies chez son partenaire Cap Gemini, la plateforme est capable de proposer des formations qui s'adaptent à chacun en temps réel : « Plus l'apprenant avance dans le déroulé et plus le moteur va pouvoir adapter les contenus et les exercices à ses besoins, afin de le faire réussir, explique Nicolas Bourgerie. On peut y ajouter des capteurs de gestes, de la reconnaissance vocale, pour des exercices pratiques. Le fait de s'adapter au niveau de l'apprenant et d'alterner avec des questions faciles permet aussi d'éviter des abandons », souligne l'expert.