Stéphane Rémy et Cécile Bertrand de la Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle ont fait le point sur les évolutions à venir en matière de sous-traitance sur le marché du CPF à l’occasion d’une master class organisée le 21 septembre 2023 par Centre Inffo.
CPF : demain, la sous-traitance sera plus encadrée
Un décret à paraître prochainement va changer la donne en matière de sous-traitance sur le marché du compte personnel de formation (CPF). Passage en revue des nouveautés à venir pour les prestaires de formation référencés sur la plate-forme « Mon compte formation » et leurs sous-traitants.
Par Estelle Durand - Le 27 septembre 2023.
Le principe de l'encadrement de la sous-traitance sur le marché du compte personnel de formation (CPF) est acté. C'est l'une des mesures inscrites dans la loi de décembre 2022 qui vise à lutter contre la fraude au CPF. Après plusieurs mois de concertation avec les acteurs concernés, le décret précisant les nouvelles règles du jeu prend forme. Il est désormais entre les mains du Conseil d'Etat qui doit l'examiner avant publication. Tour d'horizon des pratiques qui seront autorisées ou interdites demain et des obligations auxquelles seront soumis les prestataires de formation et leurs sous-traitants à l'occasion d'une « master class » organisée par Centre Inffo, le 21 septembre.
Gagner en transparence
Sur un marché de la formation où le recours à des prestataires externes se développe, la question de l'encadrement de la sous-traitance suscite inquiétudes et interrogations. « L'objectif n'est pas d'interdire la sous-traitance ou de mettre en difficulté les prestataires qui y ont recours mais de réguler cette pratique et de la rendre plus transparente pour mieux protéger les bénéficiaires », rappelle Stéphane Rémy, sous-directeur des politiques de formation et du contrôle au sein de la Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP).
Le recours à la sous-traitance limité
Si le projet de décret est publié tel qu'il est rédigé aujourd'hui, la sous-traitance sera toujours autorisée mais limitée dans son ampleur. Les prestataires de formation référencés sur la plateforme « Mon compte formation » ne pourront pas confier la totalité de leur activité liée au CPF à des tiers. Le recours à la sous-traitance sera limité à un pourcentage du chiffre d'affaires qu'ils génèrent sur le marché du CPF sur une période donnée. « Ce pourcentage et la période de référence seront précisés par arrêté et feront l'objet de concertations avec les représentants des acteurs de la formation », précise Cécile Bertrand, cheffe du pôle CPF à la DGEFP. Un des objectifs de ce plafonnement de la sous-traitance, explique Valérie Michelet, juriste senior à Centre Inffo, « est de lutter contre les coquilles vides qui ne faisaient pas du tout de formation en direct. » Autrement dit, des prestataires qui répondaient aux critères de référencement sur la plate-forme et ouvraient un boulevard à des tiers qui ne respectaient pas les règles en vigueur. Les contours du recours à la sous-traitance sont fixés. Reste à savoir où sera placé le curseur. Faire appel à des prestataires externes sera-t-il autorisé pour une majorité du chiffre d'affaires ou cette pratique deviendra-t-elle marginale ? A ce stade, la question reste entière.
La sous-traitance en cascade interdite
Une chose est sûre, les donneurs d'ordre devront transmettre à la Caisse des dépôts, un exemplaire des contrats de sous-traitance qui les lient à leurs prestataires externes. Le décret précisera les mentions qui devront obligatoirement figurer dans ces documents. Cette mesure doit permettre de professionnaliser les pratiques et de gagner en transparence. Le projet de décret interdit en revanche la sous-traitance en cascade, encore appelée sous-traitance de deuxième rang. « Le prestataire de formation référencé sera responsable de son sous-traitant, il devra s'assurer que ce dernier n'a pas lui-même recours à la sous-traitance », précise Valérie Michelet. Autre disposition prévue pour limiter les fraudes : un donneur d'ordre ne pourra pas faire appel à prestataire qui a été déréférencé de la plate-forme à la suite d'un manquement. Une liste des prestataires ayant fait l'objet d'une telle sanction sera publiée sur Edof, l'espace que la Caisse des dépôts met à la disposition des prestataires de formation. Toutes ces mesures visent à protéger les bénéficiaires, mais « elles contribuent aussi à protéger les donneurs d'ordres et les sous-traitants », selon la DGEFP.
Des sous-traitants soumis à de nouvelles exigences
Autre nouveauté à venir, les sous-traitants verront demain la liste de leurs obligations s'allonger. En plus de celles qu'ils ont déjà à respecter (numéro d'activité, bilan pédagogique et financier, etc.), ils devront accepter les conditions générales d'utilisation (CGU) de la plate-forme, obtenir Qualiopi et être habilités par les organismes certificateurs s'ils préparent à des titres ou diplômes enregistrés aux répertoires nationaux. « En fin de compte, ils seront soumis aux mêmes obligations que les donneurs d'ordres référencés sur la plate-forme », résume Fouzi Fethi, responsable du pôle droit et politiques de formation de Centre Inffo. Des exigences fortes qui pouvaient s'avérer pénalisantes pour les petites structures. Des exceptions à ces règles ont donc été prévues. Les formateurs indépendants relevant du régime micro-social (dont le chiffre d'affaires ne dépasse pas 77 700 euros) seront dispensés de Qualiopi et des habilitations des certificateurs. Autre cas particulier, celui des prestataires, quel que soit leur statut, qui interviennent en tant que sous-traitant sur une partie seulement de l'action de formation : ils n'auront pas besoin de l'habilitation du certificateur.
Le décret précisera la date d'entrée en vigueur de ces mesures. Dans le projet de texte, il est prévu qu'elles s'appliquent à partir du 1er janvier 2024 aux nouveaux contrats de sous-traitance conclus à partir de cette date.