CPF : le prix horaire des formations bondit de 63 % en deux ans
Sur le marché du compte personnel de formation (CPF), la durée des parcours a tendance à se réduire. Une évolution qui n'est pas toujours répercutée sur les prix facturés. Ce phénomène explique pour beaucoup la forte hausse du prix horaire des formations constatée par la Caisse des dépôts entre 2020 et 2022.
Par Estelle Durand - Le 02 octobre 2023.
Des prix qui demeurent stables… pour des quantités moindres. Le phénomène de « shrinkflation » observé sur certains biens de consommation semble se propager jusqu'au marché de la formation. C'est ce qui ressort de l'analyse de l'évolution des prix des formations financées par le CPF publiée le 29 septembre. Conduite par la Caisse des dépôts, cette étude fait état d'une augmentation très marquée du prix horaire moyen des formations souscrites sur la plate-forme « Mon compte formation » entre 2020 et 2022. En deux ans, cet indicateur est passé de 16,80 euros à 27,46 euros, soit une hausse de 63,5 %. Inflation, évolution des stratégies commerciales, recomposition de l'offre proposée sur la plate-forme… : plusieurs facteurs peuvent expliquer ce phénomène.
Une offre qui évolue dans le temps
Pour y voir plus clair, la Caisse des dépôts a passé au crible les offres référencées pour concentrer son analyse sur les formations dont les caractéristiques – intitulé de la certification préparée, organismes de formation, mode de réalisation et durée - restent identiques d'une année à l'autre. Cet exercice met en évidence la profusion des formations proposées : 225 000 offres différentes recensées en 2021 pour 2,06 millions de formations achetées, soit une moyenne de neuf stagiaires pour une même formation. Autre enseignement : « le marché se caractérise par un très fort renouvellement de l'offre d'une année à l'autre », indique Ronan Mahieu, auteur de l'étude. Ainsi en 2022, 65 % des dépenses concernent des formations pour lesquelles aucun achat n'avait été enregistré en 2021. Ce taux de renouvellement était déjà de 53 % en 2021.
Faible effet de l'inflation
L'analyse des formations dont les caractéristiques restent comparables d'une année à l'autre fait ressortir une augmentation du prix horaire de 7,7 % entre 2020 et 2022. Ce phénomène d'inflation qui correspond peu ou prou à l'évolution de l'indice des prix à la consommation de l'Insee (+6,9% en deux ans) ne suffit pas à expliquer la hausse massive du prix horaire. Si cet indicateur a bondi de 63,5 % entre 2020 et 2022 c'est que les caractéristiques des formations ont fortement évolué pendant cette période. Arrivée de nouveaux acteurs pratiquant des tarifs plus élevés, augmentation de la part des formations plus onéreuses, évolution des modalités de formation, réduction de la durée des parcours… : autant d'hypothèses pouvant expliquer l'écart entre l'inflation et l'augmentation du prix horaire constaté.
Des formations plus courtes
L'examen approfondi de l'évolution des offres montre que cet écart « est largement imputable au fait que de nombreux organismes de formation ont diminué la durée de leur formation sans répercuter intégralement cette baisse sur les prix pratiqués », observe Ronan Mahieu. Ces stratégies permettant d'augmenter les marges ont été mise en œuvre de façon inégale sur le marché. Elles touchent plus particulièrement les langues vivantes, la création ou la reprise d'entreprises (un segment de marché qui a fait l'objet de mesures de régulation en 2022) mais aussi le secrétariat ou la bureautique. Les formations en transport et le permis B sont davantage épargnés. Dans ces deux spécialités, « le caractère relativement standardisé et réglementé des examens auxquels préparent les formations rend probablement difficile la mise en ouvre de stratégie de différenciation entre les organismes de formation », explique la Caisse des dépôts.
Des prix moyens homogènes
Jouer sur la durée des formations quand cela est possible serait un moyen de maintenir des prix compatibles avec les droits des bénéficiaires. Le marché du CPF pourtant marqué par de fortes disparités en termes d'offres, de modalités de formation, de durée des parcours et de prix horaire, s'avère plus homogène sur le plan des tarifs affichés. « En général, le prix total facturé est compris entre 1 000 et 2 000 euros quel que soit le domaine de formation, observe Ronan Mahieu, probablement parce que les organismes de formation essaient d'aligner le prix demandé sur le niveau moyen du solde des comptes qui est aux alentours de 1 500 euros. »
Des pratiques suivies à la loupe
Ces premiers travaux apportent à la Caisse des dépôts une vision de la dynamique des prix qui sera suivie dans le temps. A ce stade, les phénomènes observés ne sont pas problématiques dès lors que les durées annoncées correspondent à ce qui est dispensé sur le terrain. « Dans la plupart des cas, hormis pour des certifications extrêmement normées, la durée des formations est à la main des organismes », rappelle Michel Yahiel, directeur des politiques sociales de la Caisse des dépôts. Mais la vigilance reste de mise. « Notre rôle est de nous assurer qu'il n'y a pas tromperie sur la marchandise », précise-t-il. Et à l'avenir, « nous serons attentifs à l'évolution du phénomène de réduction des durées de formation. S'il s'avère qu'il n'est pas associé à une certaine forme de transparence, nous en tirerons les conséquences. »