Thibaut Guilluy, haut-commissaire à l’emploi et à l’engagement des entreprises.
France Travail : instrument d'une « meilleure coopération »
La mission de préfiguration de France Travail, pilotée par le Haut-commissaire à l'emploi et à l'engagement des entreprises Thibaut Guilluy, a présenté son rapport mercredi 19 avril. Invitant à dépasser l'alternative recentralisation / décentralisation, les auteurs plaident pour une « meilleure coopération. »
Par Nicolas Deguerry - Le 20 avril 2023.
Avec la remise au ministre du Travail du rapport de synthèse de la concertation engagée par la mission de préfiguration France Travail, c'est l'un des trois chantiers évoqués par Emmanuel Macron dans son allocution du 17 avril qui prend corps. Aux scénarios de délégation, coordination et décentralisation portés par l'étude Elezia commandée par Régions de France (notre article), le rapport ajoute un scénario de coopération. Ceci avec l'objectif de s'inscrire dans des logiques de proximité, tout en luttant contre l'émiettement des actions initiées par un écosystème jugé légitime mais trop complexe pour être pleinement efficace.
Objectif plein emploi
Pour Thibaut Guilluy, Haut-commissaire à l'emploi et à l'engagement des entreprises, l'objectif principal de France Travail est de contribuer à la réalisation de l'objectif gouvernemental d'atteindre le plein emploi « Le plein emploi est une situation dans laquelle le chômage d'un territoire est réduit au chômage frictionnel incompressible, soit à un taux inférieur à 5 %. » (source : Wikipedia). Conçue comme une « feuille de route opérationnelle issue de sept mois de concertations sur le terrain », le rapport de synthèse présente dix enjeux clés et 99 propositions pour la mise en œuvre de France Travail. Le haut-commissaire l'assure, la mission s'est appuyée « sur l'existant et ce qui marche dans les territoires, avec l'objectif d'assurer le changement d'échelle. »
Pôle emploi devient France Travail, animateur du réseau France Travail
La première conséquence de cette volonté de réforme dans le respect de l'existant, c'est le maintien des opérateurs historiques, désormais réunis sous la bannière « Réseau France Travail » : Pôle emploi deviendrait France Travail, les Missions locales France Travail Jeunes et Cap emploi France Travail Handicap. À ces trois opérateurs s'ajoutent les « partenaires France Travail », répartis entre opérateurs publics et organismes paritaires Afpa, Apec, Opco, ARS, Caf, MSA, CPAM, FIPHP, Agefiph, PLIE, Maisons de l'emploi, Epide, CCAS, CIAS, Urssaf, BPI France, réseaux consulaires, GIP Les entreprises s'engagent…, associations et autres acteurs privés SIAE, E2C, entreprises adaptées et acteurs du handicap, clubs entreprises, associations « porteuses de solutions » (mobilités solidaires, numérique, …), associations de lutte contre, pauvreté, ...
Si le mille-feuille demeure pour tenir compte des réalités de terrain, France Travail devient la « porte d'entrée pour l'ensemble des demandeurs d'emploi, ensemblier opérationnel et animateur de l'offre de services d'un réseau d'acteurs complémentaires, responsable devant l'État et les collectivités territoriales. » Des financements complémentaires et une territorialisation accrue du service public de l'emploi devraient « conforter le principe d'autorités régulatrices des Régions sur la formation et l'orientation notamment et des départements sur l'insertion des personnes éloignées de l'emploi. »
« Nous devons apprendre à mieux coopérer » (Thibaut Guilluy)
L'objectif de coopération devrait s'incarner dans trois initiatives principales : premièrement, la mise à disposition de « communs physiques, méthodologiques et numériques » ; deuxièmement, le « partage de la donnée et des indicateurs » ; troisièmement, « l'appui à l'animation des instances de gouvernance locales du réseau France Travail. » Celles-ci prendraient place au sein d'un comité unique France Travail, présent à chacun des niveaux (bassins d'emploi, départements, régions, national) et coprésidé par l'État et les collectivités territoriales. Au niveau de la région, « ce qui est préconisé, précise Thibaut Guilluy, c'est de bâtir un comité régional France Travail en s'appuyant sur le Crefop (Comité régional de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles), et de supprimer tous les autres. » Sujet sensible, l'évolution de la gouvernance de l'écosystème porte l'ambition de sortir des « prises de décisions en silos » constatées par la mission de préfiguration. Mais le Haut-commissaire le souligne, la volonté de coordination partira du local, pour aller vers le national. Insistant sur la nécessite de créer les conditions de la coopération, Thibaut Guilluy évoque la création d'une « académie France Travail », lieu où les acteurs pourront « se former et apprendre ensemble. »
Accompagnement renforcé
Comme annoncé (notre article), France Travail poursuivra l'effort dans la formation, d'abord dans le cadre du plan d'investissement dans les compétences, actuellement à hauteur de 2,5 milliards d'euros par an.
Selon Thibaut Guilluy, le maintien de l'effort s'accompagnera, d'une part, d'un ciblage renforcé sur les demandeurs d'emploi de longue durée, les seniors et le handicap, d'autre part, d'une meilleure connexion de l'offre de formation aux besoins des employeurs. Un objectif qui passe par l'amélioration de l'accompagnement de l'ensemble des publics, particuliers et entreprises.
Transformation de Pôle emploi
Pour Pôle emploi devenu France Travail, cela signifie de ne plus seulement s'occuper des seuls inscrits auprès de l'opérateur, mais bien de « veiller à ce que 100 % » des publics en question sur l'emploi accèdent au « bon accompagnement. » Dans ce schéma, Pôle emploi n'est plus un « opérateur isolé», mais un « animateur d'écosystème », garant de l'efficacité opérationnelle sur les territoires. À l'issue d'une phase de « diagnostic » intervenant en début de parcours, le demandeur d'emploi est orienté vers un référent unique et devient bénéficiaire d'un accompagnement par la signature d'un contrat d'engagements réciproques.
Déploiement progressif
Reste à traduire les travaux de la mission de préfiguration dans la future loi Travail qui sera présentée d'ici à l'été 2023, pour une mise en œuvre progressive de France Travail au 1er janvier 2024 en vue d'une généralisation à l'horizon 2027. À l'instar des expérimentations en cours sur l'accompagnement renforcé des allocataires du RSA dans 18 bassins d'emploi départementaux, des préfigurations régionales sur les chantiers prioritaires seront lancées dès 2023, « notamment autour des sujets de guichet unique à l'entrée, de système d'information, de gouvernance, de formation et de nouvelles modalités d'accompagnement. »
LES 10 PRINCIPES CLÉS DE FRANCE TRAVAIL
La réussite de France Travail selon la mission de préfiguration repose sur les 10 principes clés suivants :
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- France Travail, une transformation profonde de notre action collective pour atteindre le plein emploi et permettre ainsi l'accès de tous à l'autonomie et la dignité par le travail - Faisons équipe pour accompagner la réussite de toutes les personnes, de toutes les entreprises et de tous les territoires. - Thibaut Guilluy, Haut-commissaire à l'emploi et à l'engagement des entreprises, Mission de préfiguration France Travail, Rapport de synthèse de la concertation, 274 p., avril 2023 : PDF – 5 MO
- Synthèse de la concertation, 44 p., avril 2023 : PDF – 635 ko
Notes
1. | ↑ | Projet personnalisé d'accès à l'emploi. |
2. | ↑ | Parcours contractualisé d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie. |
3. | ↑ | Contrat Engagement Jeune. |
4. | ↑ | Contrat d'engagement réciproque. |