« La digitalisation de la formation requiert une vision stratégique globale » (Kawalearn)

Lauréat de l'appel à projet Innov'Emploi dédié à la modernisation de l'appareil de formation lancé par la Région Occitanie en 2019 (notre article), Kawalearn accompagne depuis juin 2020 la transformation par l'innovation pédagogique de plus de 60 organismes de formation^{[ 1 ]}Au total, 250 organismes de formation sont accompagnés par les différents lauréats (Groupe Bizness, Kawalearn, Laet's Mind et Maskott).. Premier bilan ?

Comme le rappelle Vladimir Sekelj, président de Kawalearn, les organismes de formation pouvaient se positionner sur tout ou partie des trois volets de l'appel à manifestation d'intérêt : évolution du métier de formateur, digitalisation des contenus et des parcours, attractivité de la formation. Bémol à cette liberté de choix d'apparence positive, la formule à la carte a parfois entraîné des comportements opportunistes dépourvus de « vision stratégique globale », relève-t-il. Pour autant, les trois dimensions sont liées et rejoignent selon lui le modèle du triangle pédagogique de Jean Houssaye, selon lequel toute situation pédagogique est le produit d'interactions entre formateur, apprenant et contenus de formation.

Deux phases d'accompagnement

Selon la volonté de la Région, l'accompagnement est partagé en un temps d'audit diagnostic sur site préalable à la conception d'un plan d'actions, et un temps d'accompagnement à la mise en œuvre. Preuve qu'il ne s'agit pas là d'un formalisme sans intention, Vladimir Sekelj souligne que la phase de diagnostic peut signer la fin de l'accompagnement, soit que le candidat se révèle trop éloigné des objectifs par manque de motivation collective, moyens matériels ou humains, soit qu'il s'avère déjà compétent et se soit positionné dans l'espoir de financer des salaires.

Dans le cas où la phase d'audit débouche sur un plan d'actions, celui-ci est présenté à la Région pour validation et déclenchement de l'accompagnement à la mise en œuvre à hauteur de 60 jours/homme. À noter que si quelques bénéficiaires sont des organismes de grande taille avec plusieurs milliers d'apprenants, la grande majorité est de taille modeste, avec moins de 25 formateurs en interne.

Pourquoi la digitalisation ?

Mais quel que soit le profil, Vladimir Sekelj relève une problématique de départ commune fondée sur le choix de l'outil à adopter pour la digitalisation. Soit et selon le président de Kawalearn, « la plus mauvaise question ! » D'où un premier travail qui consiste à recentrer les organismes sur la question du pourquoi et de la stratégie.

Le président de Kawalearn insiste, l'intégration technologique doit se faire de manière progressive. Certes, la simple substitution d'un document numérique à un document papier ne produit pas d'amélioration fonctionnelle, mais c'est une première étape qui peut permettre d'embarquer les formateurs. Dans une logique de parcours de transformation, on peut ensuite chercher les améliorations fonctionnelles, puis la reconfiguration significative de la tâche avec une valeur ajoutée au bénéfice de l'apprenant et du formateur. L'important ? « Que cela rende service et soit utile », résume Vladimir Sekelj.

Réussir sa transformation

Un conseil pour les candidats à la transformation ? « Ne pas chercher à embarquer 100 % des formateurs. » Le propos peut surprendre mais, explique le fondateur de Kawalearn, s'appuie sur des invariants de l'accompagnement du changement, tels que décrits dans la « métaphore du crayon »^{[ 2 ]}Voir http://pedagotic.ca/?post/2017/10/11/La-m%C3%A9taphore-du-crayon : de même que l'on trouve toujours des « initiateurs », adopteurs précoces des technologies prêts à documenter et partager leurs pratiques, il faut aussi composer avec les « effaceurs », hostiles aux démarches d'innovation. Et parce que l'expertise des premiers peine à essaimer et que la résistance des seconds tue l'initiative, Vladimir Sekelj invite à plutôt cibler en premier les « affutés, qui observent, adoptent les meilleures idées, les adaptent et les développent pour le plus grand nombre. »

Trois profils d'organismes de formation

Après plus de trois ans d'accompagnement à la transformation, émerge trois profils d'organismes de formation : 20 % d'« engagés », qui comprennent les enjeux de la digitalisation et déploient, par recrutement ou formation, une cellule interne dédiée au sujet pour gagner en autonomie ; 50 % d'« utilisateurs », qui comprennent la problématique mais pallient leurs limites en termes de vision et ressources par une externalisation partielle de leurs besoins d'ingénierie et de production ; 30 % d'« observateurs », qui choisissent de commencer à répondre à la demande client par de l'achat sur étagère.

Financez le résultat !

Verdict du choc de modernisation alors que le programme prendra fin en avril 2024 ? « L'accompagnement rationalise et concentre les efforts, mais place les organismes de formation en situation de confort, il faut attendre un peu pour voir si la bascule s'opère… », répond Vladimir Sekelj. Reste que pour le président de Kawalearn, tout n'est pas de la responsabilité des organismes de formation : « quand le financeur demande du temps de présence, c'est un peu compliqué d'innover, de faire du distanciel, de la granularisation et de l'adaptatif. »

Et de conclure par un ultime conseil : « financez la formation au résultat, vous verrez vraiment un choc de modernisation… »

• Kawalearn : kawalearn.com/
• Innov'Emploi – Volet Modernisation de l'Appareil de formation (Région Occitanie) : laregion.fr/INNOV-EMPLOI-Volet-Modernisation-de-l-Appareil-de-formation