Sandra Enlart et Anne de Blignières, membres du comité scientifique de la Commission de la certification professionnelle de France compétences.
Les métiers émergents au cœur des enjeux des certifications professionnelles
Les branches et syndicats professionnels ont jusqu'au 5 juillet pour déposer auprès de France compétences leurs contributions sur les métiers en émergence ou en forte évolution. A l'occasion de cette 5éme campagne, le comité scientifique dresse un bilan de son activité et alerte sur le danger d'une surenchère qui nuirait à la lisibilité de l'offre de certifications professionnelles.
Par Catherine Trocquemé - Le 29 juin 2023.
Dans une économie en plein mutation, les repères se brouillent. Métiers en tension, métiers émergents, métiers d'avenir, métiers hybrides …difficile aujourd'hui de s'y retrouver. Dans ce contexte mouvant, le cadre de référence national structuré autour des deux répertoires nationaux (RNCP et RS) vit une profonde transformation. Engagée en 2019 par France compétences, la refonte de l'offre de certifications professionnelles cherche à rendre l'offre plus lisible et à coller aux besoins en compétences du marché. Un exercice de longue haleine qui bouscule les pratiques des certificateurs. Conscient de la nécessité d'apporter rapidement des réponses aux entreprises, le législateur a prévu une procédure simplifiée d'enregistrement pour les métiers dits « en émergence ou particulièrement en évolution ». Chaque année, un comité scientifique est ainsi chargé d'analyser les contributions et d'établir, avec la commission de la certification professionnelle, une liste de métiers éligibles. En tout, près de 95 certifications ont pu bénéficier de cette démarche dérogatoire et se faire enregistrer au RNCP autour de la cybersécurité, de l'Intelligence artificielle ou de l'industrie 4.0. Alors que la 5éme campagne lancée en mai dernier sur les thématiques liées au plan France 2030 se clôture le 5 juillet prochain, les membres du comité scientifique dressent un premier bilan de leur activité. Difficulté à définir les concepts, disparité de l'outillage des branches et des syndicats professionnels, risque de doublons avec des certifications existantes, le comité a éprouvé le besoin de développer une doctrine, de préciser les attendus et d'engager un travail d'analyse avec les autres acteurs de l'écosystème de la certification.
Définir les métiers émergents ou en forte évolution
« Très vite, la nécessité de définir plus précisément la notion et le périmètre des métiers concernés par la procédure simplifiée s'est imposée. Dans les contributions, il y avait notamment une forte ambiguïté avec la notion de métiers en tension », précise Sandra Enlart, membre du comité scientifique. Manque de moyens et d'expertise des branches, difficulté de compréhension, tentation de contourner les règles de la procédure classique ? Sésames pour mobiliser la plupart des dispositifs publics et pour entrer sur le marché du CPF, les certifications professionnelles sont devenues un actif très recherché. Pour éviter les malentendus, le cahier des charges des appels à contribution a évolué. Ce travail de clarification se poursuit. Les métiers « en émergence ou en forte évolution » n'existaient pas auparavant ou doivent présenter une véritable rupture avec les métiers existants et non pas une simple évolution de certaines de ses activités. Une doctrine se construit autour des attendus, renforce les exigences de démonstration à partir de sources scientifiques et de méthodologie. En 2021 et 2022, seules 12 contributions sur les 51 reçues et analysées par le Comité scientifique ont fait l'objet d'une décision favorable de la Commission de la certification professionnelle.
Éviter l'inflation de l'offre de certification
Autre point de vigilance relevé par le Comité scientifique, la prolifération de certifications professionnelles faute d'un examen approfondi de l'offre existante. « Il faut éviter la surenchère qui nuirait à la lisibilité du système. Nous devons travailler dans le dialogue avec les certificateurs, échanger et expliquer », confirme Anne de Blignières, membre du comité scientifique. Le temps d'instruction des contributions a été allongé. L'analyse de l'offre du répertoire national, l'identification des certifications déjà enregistrées qui répondent aux mêmes besoins ou qui mériteraient un renouvellement anticipé, ou encore qui pourraient être simplement enrichies de nouveaux modules conditionnent la qualité et la lisibilité du portefeuille. Le comité scientifique milite pour une meilleure coordination au sein de l'écosystème : en amont avec les observatoires de branche ou les incubateurs de l'Afpa et, en aval, avec les certificateurs. « Nous devons trouver le moyen de capitaliser nos analyses et notre travail », ajoute Anne de Blignières.
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