« Qualiopi n'empêche pas de subir d'autres contrôles qualité » (DGEFP)

« Qualiopi est une obligation de certification pour les prestataires de formation, de bilan de compétence, de VAE et d'apprentissage voulant travailler sur fonds mutualisés ou publics depuis le 1er janvier 2022 : c'est tout simplement une exigence de qualité partagée par tous, dans une logique de processus d'amélioration continue », a déclaré Stéphane Rémy, sous-directeur des politiques de formation et de contrôle au sein de la DGEFP (Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle), lors d'une table ronde de l'Université d'hiver de la formation professionnelle, le 26 janvier.

Marque d'Etat

Selon son bilan, Qualiopi compte 7 critères, 32 indicateurs, et des modalités d'audit et d'accréditation. Sur 100 000 prestataires de formation, 45 000 sont certifiés ou réputés satisfaire la certification. 34 organismes certificateurs interviennent sur le marché, et 8 instances de labellisation. « Sachant que seuls 33 000 organismes de formation interviennent sur fonds publics et mutualisés, cela signifie que certains optent pour Qualiopi alors même qu'ils n'en n'ont pas besoin, soit à la demande de leurs clients, ou afin d'avoir la marque. C'est une marque d'État. Mais attention, Qualiopi n'empêche pas de subir d'autres contrôles qualité des financeurs. La coordination et la mutualisation de ces autres contrôles gagneraient d'ailleurs à être travaillées ».

Rattrapage

« Est-ce un choc qualité ou pas ? », se demande Michel Clézio, président du Synofdes (syndicat des organismes de formation de l'économie sociale). « C'est une élévation qualité indéniable, mais pas suffisante. Formaliser ses pratiques et process, c'est toujours bon, mais on constate une grande variabilité selon les organismes de formation : une partie est devant, une grosse partie tente de suivre mais a le sentiment d'être toujours dans le rattrapage, une petite partie rassemble ceux qui refusent ou inventent les pièces pour tromper l'auditeur et parfois ils obtiennent la certification ! ».  Il note des points faibles : « des audits qui produisent des comptes rendus hétérogènes qu'il faudrait homogénéiser », et « des audits instantanés en noir et blanc qui ne montrent pas la dynamique ». Quel rôle d'accompagnement pourraient alors avoir les financeurs pour accompagner une amélioration permanente ? « Qualiopi n'a pas empêché les arnaques et ventes forcées. Il serait bon de retravailler certains indicateurs avec la profession, notamment sur la formation à distance ».

Amélioration continue

« Qualiopi renforce le cadre managérial, la prise de conscience des besoins des clients, la professionnalisation de la réponse et du service après-vente. Mais il augmente les charges et embauches. Par ailleurs, le critère 1 -qui impose une diffusion très détaillée des prestations- pose les questions de la concurrence et de l'intra », affirme Sophie Roques, des Acteurs de la compétence.

« Qualiopi est une roue d'amélioration continue. Les indicateurs n°4 sur la définition du besoin de l'apprenant, et n° 10 sur l'adaptation sont deux fondamentaux, avec celui sur la veille, qui boucle la boucle », confirme Bruno  Aubry, des Compagnons du devoir.

Simple formalisation

« Il faut d'abord travailler pour soit, puis regarder Qualiopi. On fait déjà beaucoup de choses. Souvent, il suffit de mettre les mots dessus, et éviter trop de procédure et formalisme », commente Alexandre Poncelet, directeur qualité au sein du réseau Ecoles de la deuxième chance (55 écoles).

« Si on est déjà engagé en qualité, Qualiopi n'est qu'une formalisation », confirme de son côté Géraldine Boureau, de la Caisse des dépôts et consignations.

« Qualiopi conforte la qualité », assure pour sa part Farida Brioua-Temimi, ISQ. « Le taux à zéro non-conformité entre le premier audit et celui de surveillance passe de 59 % à 74 %. Celui de non-conformité majeure de 26 % à 20 %. La grande majorité des prestataires se sont approprié le référentiel, une petite part reste dans une réactivité permanente subie, un faible pourcentage a tout oublié ».

Fabriquer de la confiance

Devant ce satisfecit, les acheteurs/financeurs de formation souhaitent aller plus loin. Mais, regrette Arnaud Muret, directeur général d'Opco EP (entreprises de proximité) et président du GIE D2OF, « le contrôle qualité exercé par les opérateurs de compétences n'a hélas, pour l'heure, pas de conséquence. 400 contrôles ont été menés en 2021 par Opco EP, 41 organismes de formation ont refusé d'ouvrir la porte, et pourtant nous sommes tenus de payer quelque que soit le constat ! Il serait bon que cela change. Les prestataires devraient se sentir honorés d'être contrôlés ! Car le niveau de qualité constaté est très élevé, seuls 3 % sont dysfonctionnants. Il faut valoriser le contrôle dans une logique de mécanisme de fabrication de la confiance ».

Démarche au plus profond

Un avis partagé par Maud Venturini, directrice de l'ingénierie pédagogique à Pôle emploi. « Le taux de certification Qualiopi est très élevé. Ce qui n'empêchera pas un contrôle allant plus loin. Par exemple, la vérification réelle du CV du formateur déclaré. Face à cela, les organismes de formation sont très positifs, seuls quelques cas se passent mal et débouchent sur un déréférencement ou une mise en demeure ». Les problèmes, selon elle, ne tiennent pas à une question de coût ou de trop faible financement : « certains organismes de formation performent très bien sans problème de financement : c'est surtout la prise en compte de la démarche qualité au plus profond des pratiques de l'organismes de formation qui fait la différence ».