Quels impacts de l'intelligence artificielle sur les travailleurs ?
Une enquête du « Labor IA » relativise les impacts de l'intelligence artificielle (IA) sur le travail : ces effets diminuent une fois le projet déployé. Les utilisateurs directs de l'IA ont une perception plus positive de ses impacts que les non-utilisateurs.
Par Mariette Kammerer - Le 02 mai 2023.
Alors qu'une pétition lancée par des experts internationaux de l'IA alerte sur « les risques majeurs pour l'humanité » et recommande de faire une pause dans ses développements, les résultats d'une enquête réalisée en France par le « Labor IA », sont, à leur échelle, plutôt rassurants. Le but de cette enquête était de mieux connaître les motifs d'utilisation de systèmes d'intelligence artificielle (SIA) par les entreprises, leur maturité, les problèmes qu'elles rencontrent et « d'appréhender l'impact effectif » de cette utilisation « sur le rapport et le sens du travail ».
Un panel représentatif d'entreprises
L'enquête a été réalisée auprès d'un panel représentatif d'entreprises, soit 250 répondants, dans l'industrie (15 %), l'administration (15 %), les services financiers (13 %) et d'autres services (34 %). Tous secteurs confondus, les usages les plus fréquents de l'intelligence artificielle sont la détection de défauts et d'anomalies (35 %), les machines autonomes (19 %), puis les chatbots et callbots (16 %).
Parmi les répondants, 68 % avaient un système d'intelligence artificielle (SIA) déjà déployé et utilisé, tandis que 30 % étaient en cours d'expérimentation ou de déploiement. Les SIA les plus avancés sont souvent des systèmes de détection de défauts et des machines autonomes dans le secteur industriel.
Ecart entre les impacts réels et supposés
L'étude met surtout en évidence l'écart de perception entre les utilisateurs et les non-utilisateurs de SIA. 96% des répondants qui utilisent déjà un SIA dans leur organisation estiment qu'il a un impact « plutôt positif » ou « très positif » sur leur travail, alors que ceux qui ne l'utilisent pas encore s'attendent pour la moitié d'entre eux à un impact nul ou « plutôt négatif ».
De même, 43 % des non-utilisateurs de SIA anticipent un impact négatif sur les relations interpersonnelles au travail, contre seulement 29 % de ceux qui l'utilisent déjà. A l'inverse, les effets sur l'autonomie au travail sont déclarés par 72 % des utilisateurs, mais projetés seulement par 56 % des non-utilisateurs.
Impact sur le sens donné au travail
« Les impacts sur le sens donné au travail, sur l'évolution des savoir-faire et sur l'autonomie sont très élevés dans les phases préliminaires du projet de SIA, puis baissent une fois le projet déployé », constatent les auteurs. Selon l'étude, « une fois incorporées dans le travail », les IA deviennent « des outils techniques dilués au sein de l'outillage du professionnel, elles sont réduites à leurs fonctions et à leurs tâches spécifiques ». Ce processus « d'intégration » et d'appropriation implique « une série de régulations se jouant à différentes échelles de l'organisation ».
Le « Labor IA » a été créé par le ministère du Travail et l'Inria en 2021 pour analyser les impacts de l'IA sur le travail, les travailleurs, l'emploi et les compétences. Ses recherches sont mises en œuvre par l'opérateur Matrice.