Apprentissage : la dynamique post-réforme source de « fragilités »
Création de nouveaux CFA, diversification de l'offre de formation, adhésion plus massive des employeurs et des jeunes à la formation en alternance... La réforme de 2018 a donné un nouvel élan à l'apprentissage. Mais les mouvements de fond générés par cette transformation font peser de nouveaux risques sur le système, selon une étude du Cereq réalisée pour le compte de la CFDT et de l'Institut de recherches économiques et sociales (Ires).
Par Estelle Durand - Le 18 décembre 2024.
Sous l'effet de la réforme de 2018, le paysage de l'apprentissage s'est radicalement transformé. Une onde de chocs qui s'est répercutée à tous les niveaux n'épargnant aucun des acteurs, comme le montre une étude du Cereq publiée début décembre. Réalisée à la demande de la CFDT et de l'Institut de recherches économiques et sociales (Ires), cette analyse des mouvements à l'œuvre entre 2017 et 2021 fait apparaître des « tensions » et des « fragilités » dans le nouvel édifice.
Une offre plus riche, des CFA plus nombreux
Avec l'ouverture du marché, l'offre de formation s'est massivement développée. En 2021, 41 % des contrats d'apprentissage concernent des formations qui n'avaient pas été identifiées en 2017. Sur le segment des apprentis inscrits dans le supérieur, dont les effectifs ont le plus progressé, la part des nouvelles formations s'élèvent même à 52 %. Cette diversification de l'offre est en partie liée à l'essor des certifications professionnelles (titres du ministère du Travail, par exemple) qui par le passé étaient peu dispensées par la voie de l'apprentissage comparées aux diplômes de l'Education nationale, des universités ou des écoles d'ingénieurs. Si l'offre s'est autant développée c'est aussi parce que de nouveaux acteurs ont fait leur apparition sur le marché. En quatre ans, le nombre de CFA a triplé pour passer le cap des 3 000. Souvent positionnés sur des formations post-bac débouchant sur des certifications hors périmètre de l'Education nationale et des universités, ces nouveaux entrants se développent à un rythme soutenu. En 2021 plus de 40 % des contrats d'apprentissage sont portés par des CFA qui n'existaient pas avant la réforme.
De nouveaux adeptes de l'alternance
Conséquence de la réforme mais aussi des mesures de soutien à l'embauche dans un marché du travail marqué par des pénuries de compétences dans de nombreux secteurs, des employeurs qui n'avaient jamais eu recours à l'apprentissage se sont lancés dans l'aventure. En quatre ans, le nombre d'entreprises accueillant un apprenti a plus que doublé. Celles qui misent depuis moins de deux ans sur l'apprentissage représentent la moitié des contrats signés en 2021 et ont pour point commun de recruter surtout des profils qui préparent des certifications de niveau post-bac (deux tiers de leurs embauches d'apprentis en moyenne).
Des évolutions qui changent la donne et créent des risques
Ces mouvements de fond ne sont pas sans conséquence. Difficulté des jeunes à s'orienter face à une offre de formation devenue plus touffue, manque de visibilité sur les débouchés des certifications professionnelles qui émergent, stratégies d'optimisation qui peuvent conduire les CFA et les entreprises à négliger la qualité de la formation et de l'accompagnement des apprentis… L'étude du Cereq pointe une série de tensions et de fragilités liées à la libéralisation et à la massification de l'apprentissage. « Si un recrutement massif peut renvoyer l'image d'une démocratisation de « fait » de l'apprentissage, son développement « tous azimuts », trop peu sélectif, comporte des risques », notent les auteurs. Exemple d'effets de bord que peuvent avoir les aides à l'embauche et le financement au nombre d'apprentis sur un marché plus concurrentiel : des jeunes « se retrouvent parfois au centre de tension entre certaines entreprises qui cherchent une main d'œuvre supplémentaire bon marché, et certains CFA qui visent principalement un NPEC [ 1 ]niveau de prise en charge », avec le risque de se retrouver dans un parcours inadapté et voué à l'échec. Même si les atouts de l'apprentissage ne sont pas remis en cause, les auteurs de l'étude estiment que « les fragilités actuelles donnent à penser que cette voie de formation, transformée par la loi de 2018, va devoir se réformer à nouveau dans un contexte de tensions économiques renforcées. »
Pour aller plus loin :
« L'apprentissage après la réforme de 2018 : nouveaux acteurs, nouveaux défis », Cereq, décembre 2024
Le rapport complet de l'étude de la CFDT et de l'Ires
Etude réalisée par le Cereq pour le compte de la CFDT et de l'Institut de recherches économiques et sociales (Ires). Méthodologie : analyse de données du marché de l'apprentissage en 2017 et 2021, complétée par des entretiens menés auprès d'une quarantaine d'acteurs.
Notes
1. | ↑ | niveau de prise en charge |