François Bonneau, président de la Région Centre Val de Loire, président de la commission Éducation-Orientation-Formation Régions de France
Carte des formations : les Régions revendiquent un « rôle pivot »
Les Régions qui ont obtenu d'être associées au processus d'évolution de la carte des formations dans le cadre de la réforme des lycées professionnels souhaitent peser davantage dans les décisions afin de mieux répondre aux besoins en compétences dans les territoires. Ce pilotage qu'elles appellent de leurs vœux permettrait de favoriser les synergies avec les formations en alternance.
Par Estelle Durand - Le 03 septembre 2024.
La réforme des lycées professionnels lancée en 2023 se poursuit avec un fil rouge : la rénovation des diplômes et l'évolution de la carte des formations. Ce travail engagé par les rectorats pour mieux répondre aux besoins en compétences des entreprises dans un contexte de transformation des métiers « est conduit avec les branches professionnelles et avec les Régions, qui sont là dans le plein exercice de leurs compétences », a rappelé la ministre de l'Education nationale démissionnaire, lors de sa conférence de presse de rentrée, le 27 août. A ce stade, 5 % de la carte des formations aurait déjà été revisitée, selon Nicole Belloubet. Mais pour l'association Régions de France, qui tenait le lendemain une conférence de presse sur la rentrée scolaire, cette méthode ne répond pas aux enjeux des territoires.
Appel à « une vraie décentralisation »
Dans le cadre de la réforme des lycées professionnels, le ministère s'est fixé des quotas de fermetures et d'ouvertures de formations. Une « approche comptable » critiquée par François Bonneau, le président de la commission éducation, orientation, formation, emploi de Régions de France. Dans certains cas, pour répondre aux problématiques locales, « il peut s'avérer plus intéressant de maintenir une formation en la complétant par une année de spécialisation. » Pour mieux répondre aux enjeux d'insertion et d'évolution des compétences, les Régions plaident pour « une vraie décentralisation » du processus de refonte de la carte des formations en adoptant une « approche qualitative ». « Nous avons une responsabilité sur le plan économique et une vision des besoins des territoires, nous demandons donc à avoir une capacité directe d'intervention sur l'évolution des formations », explique François Bonneau. Non pas pour décider de tout, précise-t-il, mais pour animer le dialogue avec les branches professionnelles et le monde de l'enseignement et pour conduire des travaux de prospective nécessaires à l'identification des transformations à l'œuvre dans les territoires. « En confiant aux Régions ce rôle pivot, nous ferons beaucoup mieux », résume-t-il.
Piloter la carte des formations en apprentissage
Cette demande de décentralisation vaut aussi pour l'offre de formation en apprentissage. « Le système « open bar » issu de la réforme de 2018 a créé des dysfonctionnements et généré un déficit considérable », estime François Bonneau. Pour éviter les dérives et répondre aux besoins des territoires, « il faut un pilotage public qui tienne compte des réalités du terrain et qui associe les acteurs à la décision », souligne le représentant de Régions de France. Cette méthode concertée permettrait d'éviter les effets de concurrence entre lycées professionnels et CFA mais aussi de favoriser les synergies entre la voie scolaire et l'alternance en mutualisant les plateaux techniques ou en créant des passerelles entre les parcours.
PIC et VAE : vigilance
En cette période d'incertitude sur le front politique, les élus régionaux affichent leur vigilance. En matière de formation professionnelle, leur inquiétude porte sur le devenir des budgets alloués aux pactes régionaux d'investissement dans les compétences. « Ce sont des leviers financiers mais aussi organisationnels de notre intervention en matière de formation des demandeurs d'emploi », rappelle François Bonneau. Une réduction des financements de l'Etat ne serait pas une bonne nouvelle, selon lui, « dans un contexte où le nombre de chômeurs a tendance à repartir à la hausse » et où les besoins en formation portent sur « des métiers exigeants en termes de qualification ». Régions de France déplore par ailleurs le coup d'arrêt porté à la réforme de la validation des acquis de l'expérience (VAE). « L'Etat a voulu réorganiser le système mais les solutions n'ont pas été mises en œuvre, rien n'a été décidé, aucun budget n'a été voté. Nous sommes dans une impasse », observe François Bonneau. Le représentant de Régions de France se dit « désireux » de discuter de tous ces sujets avec le ou la futur(e) ministre du Travail.