Certification Qualiopi : pour Compétences++, exiger la conformité ne suffit pas
Compétences++, nouveau cercle de réflexion dédié à la formation professionnelle, consacre sa première note d'analyse au système qualité de la formation. Pointant les lacunes actuelles de la certification Qualiopi, il y présente des propositions pour mieux prendre en compte la qualité pédagogique des formations et améliorer les démarches de contrôle.
Par Raphaëlle Pienne - Le 01 juillet 2024.
On ne s'étonnera pas que Compétences++ ait choisi d'inaugurer ses travaux par le système de qualité de la formation professionnelle. Le sujet faisait l'objet de discussions en vue d'une réforme, pour laquelle le ministère du Travail a récemment mis en place des groupes de travail. Dernièrement, une mission de l'Igas (Inspection générale des affaires sociales) et de l'IGESR y a également consacré un rapport qui émettait déjà une série de préconisations.
Certification Qualiopi : passer d'un système de conformité à un système de notation
La note d'analyse consacre en toute logique une large place à la certification Qualiopi. Et elle n'est pas tendre avec cette dernière. « Le système de certification Qualiopi tel qu'il existe aujourd'hui, censé être le garant de la qualité des organismes de formation, présente des lacunes conséquentes », observent ses auteurs. Les indicateurs Qualiopi, pensés dans l'objectif précis de permettre l'accès à des financements publics, ne permettent pas selon eux de différencier les qualités propres des prestataires de formation et des formations qu'ils dispensent. Une fois ce « palier minimum » atteint, ceux-ci n'ont en outre aucune incitation à améliorer leurs formations et peuvent se contenter de « simplement les maintenir sur le plan formel ». Pour y remédier, la note d'analyse souhaiterait que les organismes certificateurs ne se contentent plus de valider la seule conformité aux critères de Qualiopi. A la place, il est préconisé qu'une note de 1 à 5 soit attribuée à chaque critère ; celle-ci allant de « conforme » jusqu'à « parfait ». Par ailleurs, l'évaluation des formations par les apprenants devrait devenir un élément central dans ce nouveau système de notation.
Améliorer le contrôle de la formation par les financeurs
Les auteurs de la note d'analyse jugent aussi insatisfaisant le système de contrôle de la qualité de la formation par les financeurs. « Chercher uniquement la conformité réglementaire des organismes de formation ne permet pas de garantir la qualité pédagogique, le juste prix, la valeur d'usage sur le marché du travail… », soulignent ceux-ci. Le problème se pose notamment pour les « tiers-payants », comme les opérateurs de compétences et la Caisse des dépôts et consignations, qui contrairement aux « acheteurs de formation » (Régions ou France Travail) n'ont pas la latitude pour imposer des cahiers des charges introduisant des critères qualitatifs supplémentaires. Par ailleurs « les financeurs ou leurs organismes mandatés utilisent par réflexe naturel le référentiel Qualiopi comme grille de lecture pour leurs contrôles, entraînant une redondance systématique pour les prestataires de formation », ajoutent-ils. Pour corriger ces faiblesses, la note d'analyse propose de créer une gouvernance du contrôle qualité. Elle préconise également de doter les financeurs de moyens en ressources humaines supplémentaires pour pouvoir examiner la qualité pédagogique des formations et vérifier leur conformité aux référentiels de certifications. Concernant le cadre du système de « tiers-payant », il est proposé que soient mis en place des critères différenciants « construits à partir des résultats des formations financées » et qui agiraient sur leur niveau de prise en charge.
Compétences++, nouveau « think tank de la formation professionnelle »
Nouveau venu dans l'écosystème des cercles de réflexion, Compétences++ déclare vouloir « s'affirmer comme le think tank de la formation professionnelle, espace de réflexion pluraliste qui a pour parti pris de défendre le bien-fondé de la formation professionnelle et l'utilité de son développement, de manière pragmatique et durable ». Impulsé par un « groupe de spécialistes [des questions de la formation professionnelle] », il se lance aujourd'hui avec l'appui d'une dizaine d'experts. Dans leurs rangs, on retrouve notamment Franck Morel (avocat associé au sein du cabinet Flichy Grangé avocats, ancien conseiller social du Premier ministre Edouard Philippe et expert de l'institut Montaigne), Amandine Vétu (avocat associé au sein du cabinet Flichy Grangé Avocats, spécialiste du droit de la formation professionnelle), Pascal Picault (consultant, ancien président de la Fnadir), Fouzi Fethi (responsable du pôle droit et politique de formation de Centre Inffo), et René Bagorski (ancien directeur de la certification professionnelle de France Compétences). A l'avenir, d'autres notes devraient être produites par Compétences++, qui énonce déjà des pistes de réflexions telles que les certifications, la formation ouverte ou à distance, la contribution conventionnelle, l'Afest, ou la validation des acquis de l'expérience.
Qualité de la formation professionnelle, les 5 propositions de Compétences ++ :
Passer d'un système de conformité à un système de notation ;
Placer l'évaluation de l'apprenant au cœur du système de notation ;
Instaurer d'autres critères différenciants basés sur les résultats des formations ;
Mieux contrôler l'adéquation entre les formations financées et les référentiels des certifications professionnelles visées ;
Créer une gouvernance du contrôle qualité