Certifications professionnelles, quelle trajectoire pour le Répertoire spécifique ?
Après cinq années de régulation pilotée par France compétences, le Répertoire spécifique (RS) reste le maillon faible du portefeuille des certifications professionnelles avec un taux de rejet des dossiers d'enregistrement de plus de 80%. Dopé par le marché du CPF (compte personnel de formation), l'ex-Inventaire peine à trouver sa place.
Par Catherine Trocquemé - Le 17 septembre 2024.
Ils sont nombreux à guetter la publication du Vademecum du Répertoire spécifique. Cette « bible » des certificateurs éclaire et précise la doctrine de France compétences en charge de la refonte du portefeuille des certifications professionnelles. En « cours de finalisation », le guide méthodologique devrait fournir un cadre après une période tourmentée. Avec un taux de refus de plus de 80% des dossiers d'enregistrement, l'ex-Inventaire se cherche encore. Son portefeuille a fondu de près de 50%, passant de plus de 2 200 certifications fin 2018 à moins de 1 200 fin 2023. Son périmètre aux frontières parfois mal comprises couvre les compétences complémentaires aux certifications métiers. On y trouve les soft skills (compétences comportementales) dont la définition suscite encore le débat, des habilitations réglementaires et des spécialités. Et surtout, son destin aura été lié à celui du CPF (compte personnel de formation). Pour le pire et le meilleur. A la veille de nouveaux arbitrages politiques en matière de formation et d'apprentissage, un collectif de certificateurs au RS organisent le 20 septembre prochain à Cannes CertifDays un événement dédié à la certification professionnelle. L'occasion de revenir sur ses enjeux et sur une réforme structurante.
Un sésame pour se positionner sur le marché du CPF
Le marché BtoC (transactions commerciales à destination de clients particuliers) du CPF lancé en grande pompe fin 2019 a suscité un engouement inédit pour le RS. De nouveaux entrants pas toujours aguerris à l'ingénierie de certification se sont ainsi positionnés sur la plateforme avec une offre de formations plus courtes adaptée aux crédits des bénéficiaires. En 2022, sur 10 formations financés par CPF, près de la moitié mènent à une certification au RS (dont les plus demandées portent sur les langues et la bureautique), pour un panier moyen de 1 400 euros (contre 1 800 euros pour le RNCP) [ 1 ]Source: Caisse des dépôts et consignations.. Certains organismes de formation moins scrupuleux ou moins bien informés ont profité d'une régulation en cours de construction. « Dans un premier temps, les efforts se sont concentrés sur la qualité des référentiels et la valeur d'usage puis, à partir de 2022, sur les process d'évaluation et la gestion par les certificateurs de leur réseau de partenaires habilités », précise Nicolas Bizeul, consultant senior, Centre Inffo. Après une vague de fraudes sur le CPF, le rappel à l'ordre du régulateur a été brutal.
Le tournant de 2022
En 2022, lors de la grande purge des organismes de formation non habilités ou n'ayant pas obtenu le renouvellement de leur certification, l'offre au RS chute de 70% sur la plateforme. L'offensive du régulateur bat alors son plein. Les certificateurs en langues sont priés de muscler leur contrôle au sein de leur réseau de partenaires. Certains, comme l'université britannique Cambridge, ont dû se retirer du CPF le temps de se mettre en conformité. D'autres comme Pipplet, la start-up d'ETS Global, ont été définitivement déréférencés. Aujourd'hui, le calme semble revenu mais la politique de contrôle de France compétences maintient la pression avec près de 200 procédures engagées et les conditions d'enregistrement continuent de se durcir. « Beaucoup de candidats à l'enregistrement de leur projet de certification hésitent ou renoncent », note Valérie Hellouin, consultante senior, Centre Inffo. Le ticket d'entrée au répertoire s'élève et le métier de certificateur se professionnalise, ouvrant un marché de l'accompagnement à la certification de plus en plus florissant. La question du modèle économique se pose désormais avec force pour les organismes de formation qui optent de plus en plus pour des stratégies partenariales. Outil de régulation pour les politiques publiques, actif stratégique pour les certificateurs, le RS va-t-il réussir à s'affirmer dans le paysage des certifications professionnelles ?
En quête de légitimité
A l'heure de grandes transformations des compétences, le répertoire peut revendiquer sa place. « Le RS est un outil de professionnalisation dans un monde où les métiers évoluent rapidement », affirme Alice Vielajus, consultante senior, Centre Inffo. Des certificateurs comme Iperia en font même un de leurs axes stratégiques. Le profil du RS évolue. « On observe une nouvelle tendance dans le catalogue, les certifications visant des spécialités semblent prendre le pas sur celles visant les compétences transversales », ajoute Nicolas Bizeul. C'est le cas de la certification « Piloter un projet hors-site » adressée aux maîtres d'ouvrage du secteur de la construction dont de nouvelles méthodes de fabrication tentent de répondre au défi environnemental. Arrivée à maturité, la refonte des deux portefeuilles entraîne une dynamique. « La maille des certifications au RS se rapproche de celles des blocs de compétences du RNCP qui sont mobilisés par les bénéficiaires, parfois de manière autonome. Avec le jeu des correspondances, de nouvelles logiques de parcours pourraient émerger », avance Alice Vielajus.
Notes
1. | ↑ | Source: Caisse des dépôts et consignations. |