Compétences industrielles : comment résoudre les tensions de recrutement ?
Un rapport conjoint de trois inspections générales (IGF-IGESR-IGAS) analyse la politique emploi-compétences mise en œuvre pour répondre aux besoins en effectifs de l'industrie. Une série de propositions est émise pour résoudre les problèmes de recrutement du secteur.
Par Raphaëlle Pienne - Le 11 janvier 2024.
Daté de juillet 2023 mais publié à la fin de l'automne, le rapport « Tensions sur les effectifs et compétences dans l'industrie et dispositifs de formation » n'apporte pas de révélations inattendues sur les problèmes de recrutements connus par l'industrie. Ce travail de plus de 400 pages, annexes comprises, offre néanmoins l'intérêt de prendre en compte les éléments de contexte les plus récents, tels que la nouvelle stratégie de réindustrialisation portée par France 2030. Il s'efforce également de proposer une analyse globale pour l'ensemble du secteur de l'industrie, malgré le constat d'un déficit de données consolidées tant en matière d'emploi que de formation.
Déperdition de talents formés et manque d'attractivité
L'industrie affronte une situation paradoxale. Si le volume de personnes formées est aujourd'hui suffisant, à court et moyen terme, pour occuper ses métiers, les tensions de recrutement augmentent. Ce phénomène s'explique à la fois par les difficultés d'insertion et le manque de formés sur les premiers niveaux de qualifications et par une forte déperdition à l'issue des formations de tous niveaux menant aux métiers de l'industrie (les formés s'orientant vers d'autres secteurs). Pour les auteurs du rapport, les actions à mener pour y remédier ne peuvent en outre s'envisager sans une forte communication pour améliorer l'image du secteur et de ses métiers qui souffrent encore d'un important manque d'attractivité.
Agir sur tous les leviers
Pour répondre aux tensions de recrutement de l'industrie, le rapport envisage une réponse globale et émet une vingtaine de propositions. Il appuie notamment l'introduction d'un enseignement de science, technologie, ingénierie et mathématiques (STIM) dès le primaire et appelle à soutenir l'augmentation de l'apprentissage pour l'industrie, en ciblant les niveaux 4, notamment en intégrant les effectifs d'apprentis dans les dotations horaires d'enseignement. L'effort de formation des PME industrielles doit également être encouragé, en stabilisant les moyens disponibles et en renforçant leur accompagnement RH. Face au constat d'une superposition des instances actuelles, les auteurs imaginent aussi de nommer temporairement une personne qualifiée qui serait en charge de coordonner au niveau national le dialogue en matière de formation initiale et continue.
Renforcer le suivi des projets de l'AMI-CMA
Bien que ce sujet ne soit pas au cœur du rapport, on notera que celui-ci apporte également de premiers éléments d'analyse sur l'appel à manifestation d'intérêt « Compétences et métiers d'avenir » (AMI CMA). L'industrie est aujourd'hui le deuxième bénéficiaire, avec 18 % des subventions accordées, de cet appel à projets doté de 2,5 milliards d'euros pour adapter les formations. L'AMI CMA est encore dans une phase de démarrage, rendant pour l'instant difficile son évaluation. Les auteurs du rapport, qui ont analysé un échantillon de six projets, saluent néanmoins un investissement inédit. Celui-ci nourrit une dynamique partenariale nouvelle et permet d'accélérer la réorientation de l'offre de formation, en particulier des universités, estiment-ils. Ils regrettent en revanche que les diagnostics déjà produits contribuent peu à ce jour au pilotage de l'appel à manifestation d'intérêt. Ils constatent également que les capacités de suivi et d'évaluation des projets de l'AMI CMA restent faibles, entrainant des risques d'exécution importants.