Des pistes pour réguler l'enseignement supérieur privé à but lucratif

Encadrement de l'information fournie par les établissements sur leur statut et leur offre, contrôles pédagogiques, pilotage plus strict des certifications professionnelles… Un rapport parlementaire rendu public récemment propose 22 mesures pour renforcer le contrôle et la régulation de l'enseignement supérieur privé lucratif qui s'est fortement développé ces dernières années y compris dans le champ de l'apprentissage.

Par - Le 16 mai 2024.

Un secteur en plein essor, difficile à cerner et insuffisamment régulé. Voilà ce qui ressort de la mission d'information sur l'enseignement supérieur privé à but lucratif conduite par les députés Béatrice Descamps (Libertés, indépendants, Outre-mer et territoires) et Estelle Folest (Modem et indépendants). Dans leur rapport de près de 200 pages publié le 10 avril, les deux élues pointent le manque d'encadrement et de contrôle des établissements du secteur privé lucratif. Une situation qui génère des « dysfonctionnements nombreux » et des « dérives récurrentes ». D'où leur appel à « renforcer les garde-fous » et leurs 22 recommandations pour « bâtir une nouvelle stratégie de régulation de ce secteur ».

Un secteur en pleine expansion

L'enseignement supérieur privé est en pleine croissance. Un peu plus d'un quart des étudiants sont formés dans ces établissements contre 15 % dans les années 1990-2000. Mais il s'avère difficile d'évaluer précisément la part des jeunes inscrits dans le privé lucratif et le nombre d'acteurs opérant dans ce secteur. Et c'est là une première lacune du système pointée dans le rapport. « Jusqu'à 15 % de la totalité des effectifs étudiants seraient actuellement inscrits dans le secteur privé lucratif », selon les estimations des députées. Une chose est sûre la réforme de l'apprentissage a largement contribué au développement du secteur. « Le succès sans précédent de la politique de l'apprentissage lancée en 2018 s'est accompagnée d'une vitalité nouvelle des établissements privés lucratifs, qui ont su tirer parti de cette opportunité », notent les députées. 26 % des entrées en apprentissage au niveau post bac se font dans les établissements privés lucratifs (soit 16 % du total des contrats signés en 2022). Et l'apprentissage représente désormais une source de revenu non négligeable voire une pièce maitresse du modèle économique de certains acteurs… : plus d'un tiers du chiffre d'affaires pour le groupe Omnes, un des acteurs auditionnés, et jusqu'à 50 % des recettes pour le réseau Entreprises éducatives pour l'emploi.

Manque de transparence

Au manque de données publiques sur les acteurs et leurs effectifs s'ajoutent d'autres facteurs expliquant le manque de lisibilité et de transparence : une multiplicité des statuts et des labels. Le rapport pointe notamment la diversité des formations et la question de leur contrôle dont les règles varient selon les modalités de reconnaissance en vigueur. Certains acteurs proposent des parcours reconnus par le ministère de l'Enseignement supérieur à travers le système de grades et de visas. Des procédures qui permettent de garantir la qualité pédagogique et académique des formations dispensées. Mais ce type d'offres reste minoritaire dans le secteur privé lucratif.

Renforcer le pilotage et le contrôle du RNCP

Eligibles à l'apprentissage, les certifications professionnelles enregistrées au RNCP constituent en revanche un levier important du développement de l'offre. Or selon, le rapport des députées, le système de régulation issu de la réforme de 2018 n'apporte pas suffisamment de garantie sur la qualité pédagogique des formations. D'où leur recommandation d'instaurer sous l'égide du ministère de l'enseignement supérieur, « une évaluation pédagogique des formations initiales post-bac dispensées par l'enseignement supérieur privé à but lucratif. ». Cette évaluation conditionnerait l'accès au financement des parcours en apprentissage. Le rapport suggère par ailleurs de réguler davantage les relations entre les établissements détenteurs d'une certification et leurs partenaires habilités. Cette pratique de « location de titres RNCP » pose selon les auteurs « d'importants problèmes de régulation et de transparence. » Une des solutions proposées serait d'instaurer « un tiers de confiance, chargé de vérifier que le « loueur » respecte bien les exigences de la certification concernée. »

22 recommandations pour « une véritable stratégie de régulation »

Que ce soit dans le champ de la formation initiale ou de l'apprentissage, les députées qui ont piloté la mission d'information font état de « dérives préoccupantes bien que non généralisées » : informations lacunaires voire trompeuses ; pratiques illégales telles que l'instauration de frais d'inscription pour des formations en apprentissage ; escroqueries… Pour y remédier, les auteurs du rapport préconisent d'agir à différents niveaux. Leurs recommandations visent non seulement à renforcer le contrôle de la qualité pédagogique, mais aussi à améliorer la connaissance du secteur, à renforcer la lisibilité et la transparence des formations, de leur contenu et de leur valeur ; à simplifier et moderniser le cadre juridique ; à mieux protéger les jeunes dans leurs relations contractuelles avec les établissements ; et, à renforcer les moyens de lutte contre la fraude et les pratiques illégales.


Le détail du rapport de la mission d'information sur l'enseignement supérieur privé à but lucratif