Elargir le compte personnel d'activité pour mieux sécuriser les parcours
Le compte personnel d'activité (CPA), qui reste méconnu des salariés, gagnerait à être élargi pour améliorer la protection des personnes, selon une étude de l'Institut de recherches économiques et sociales (Ires) et de la CFTC.
Par Sarah Nafti - Le 29 octobre 2024.
« Le bilan des atouts et des limites (du CPA) montre des marges de progression possible pour en améliorer l'existant », estime Anne Muller, maîtresse de conférences en sciences de l'éducation à l'université Paris 1 dans une étude sur le compte personnel d'activité (CPA) réalisée par l'Ires et la CFTC. Le CPA, créé en 2016, comprend à la fois le compte personnel de formation (CPF), le compte professionnel de prévention et le compte engagement citoyen. Il a été pensé « pour être un outil de sécurisation et d'individualisation des droits pour passer d'une logique de protection par le salariat vers une protection liée à la personne ».
Développement progressif
Le développement de l'usage du CPA s'est fait progressivement et le CPF y reste prédominant. Le nombre de formations financées dans ce cadre double chaque année : 517 000 en 2019, 984 000 en 2020, 2 millions en 2021. Toutefois, « alors qu'il visait l'accessibilité à tous les actifs dans tous les secteurs et tous les temps de leur vie professionnelle (…), il est en fait sur un périmètre restreint », remarque l'autrice puisque ceux qui l'utilisent le plus sont les cadres ou assimilés. L'accompagnement à l'usage du CPF pour les autres catégories de salariés, ainsi que les demandeurs d'emploi, est donc à développer pour limiter les inégalités d'accès.
Logique d'individualisation
Pour l'autrice, le CPA « répond à la dimension d'émancipation prévue pour une certaine catégorie d'actifs » et tend vers une logique d'individualisation : la personne se trouve au carrefour des logiques de formation et d'insertion. Cet objectif d'autonomisation « est atteint si l'on considère que c'est la personne elle-même qui fait ses choix et prend les décisions inhérentes à la formation », mais il est relatif « si l'on considère que les formations ne sont pas proposées au regard des besoins individuels formalisés ».
Défaut d'information et de visibilité
En outre, le CPA souffre d'un défaut d'information et de visibilité. Les entretiens « montrent une large méconnaissance du CPA ». C'est particulièrement le cas des dispositifs hors CPF, comme le compte engagement citoyen peu connu même parmi les personnes interrogées ayant réalisé des tâches de bénévolat. Plusieurs pistes d'amélioration du CPA sont abordées : d'abord « la nécessaire facilitation des conversions et transitions dans le cadre du CPA entre les différents dispositifs ».
La majoration des droits et abondements prévus pour les publics les plus vulnérables et les aidants fait partie des avancées possibles étudiées en parallèle de cette conversion. L'autrice insiste sur le fait que le CPA mérite d'être développé parce qu'il contribue à limiter le non-recours aux droits et à réduire les interstices dans la protection des personnes.
Davantage de droits sociaux
Un CPA « ambitieux » pourrait rassembler davantage de droits sociaux, y compris en matière de santé, d'assurance chômage, de formation ou d'aide pour les personnes aidants. Un accompagnement renforcé pourrait passer par le conseil en évolution professionnelle dont le rôle serait augmenté et accessible à tous. Ainsi, le CPA « pourrait devenir in fine un réel outil universel de pilotage avec une accentuation de la portabilité des droits et plus de liberté dans son usage tout au long de la vie ».
Pour aller plus loin :
« Vers un compte personnel d'activité élargi : outil de sécurisation des transitions professionnelles augmentées », Anne Muller, collection Arguments, Ires, CFTC, septembre 2024.