Emploi des seniors : les partenaires sociaux trouvent la voie d'un accord

Les organisations patronales et syndicales sont parvenues à la conclusion d'un nouvel accord national interprofessionnel (ANI) « en faveur de l'emploi des salariés expérimentés », adopté à la quasi-unanimité. Mais l'enjeu de la formation n'y est abordé qu'à la marge.

Par - Le 29 novembre 2024.

Après l'échec de la négociation « Pacte de la vie au travail » en avril dernier, les partenaires sociaux sont finalement parvenus le 14 novembre à un accord sur l'emploi des seniors. Celui-ci a depuis été signé par l'ensemble des organisations patronales et des syndicats de salariés, à l'exception de la CGT qui ne délivrera sa décision que le 3 décembre après consultation de ses fédérations. Mais les délégations du syndicat ont déjà émis un avis défavorable sur l'accord.

Un accord express, sur un périmètre restreint

La négociation ayant débuté le 22 octobre, les partenaires sociaux n'ont eu que très peu de temps pour finaliser ce nouvel accord. Car leur calendrier était dicté par la négociation parallèle sur les règles de l'assurance chômage. « Après la suspension du décret dit « Attal », nous étions sur un système de prorogation des règles existantes mais avec l'impossibilité de continuer après le 31 décembre. Nous avions donc l'impératif de conclure avant le 15 novembre », explique Frédéric Belouze, négociateur pour la CFTC. Aussi le nouvel ANI se révèle-t-il bien plus modeste que ce qui était prévu dans le « Pacte de la vie au travail ». Il ne reprend notamment ni le CETU (compte épargne temps universel), ni la « période de reconversion », qui avaient fait l'objet d'une négociation parallèle à l'initiative de l'U2P ayant trouvé une issue favorable le 23 avril. « Nous étions sur des délais très contraints, de moins de 4 semaines. C'est déjà un exploit d'y être arrivé et cela explique que l'on ait restreint le champ de négociation, sinon c'était impossible. Mais pour nous l'accord du 23 avril existe et il est signé. Un certain nombre d'éléments, y compris issus de cette négociation, devront être transposés dans la loi », estime Pierre Burban, secrétaire général de l'U2P.

Des mesures de consensus, dont l'entretien de mi-carrière

La négociation « Pacte de vie au travail », purgée des sujets qui fâchent, a néanmoins bien servi de base au nouvel accord. « Pour l'emploi des seniors, nous étions vraiment dans une dynamique de reprise des négociations. Nous connaissions les points de vue des uns et des autres et savions où aller et comment y aller », décrit Frédéric Belouze. On retrouve en premier lieu dans le nouvel ANI l'instauration d'un entretien professionnel renforcé autour de 45 ans, qui a fait l'objet d'un large consensus. En lien avec la visite médicale de mi-carrière, il devra permettre d'anticiper la seconde partie de carrière et d'aborder le cas échéant la prévention de l'usure professionnelle et les souhaits de mobilité et de reconversion. Les partenaires sociaux se sont également accordés sur l'instauration d'une négociation collective obligatoire sur l'emploi et le travail des séniors dans les branches professionnelles et les entreprises d'au moins 300 salariés. Engagée tous les 3 ans, elle pourra entre autres porter sur la transmission des savoirs et l'accès à la formation. « Dans la liste des thématiques à aborder lors de cette négociation, qui ont fait l'objet d'un consensus global, nous avons aussi ajouté celles des conditions de travail et de l'usure professionnelle. […] Il n'en reste pas moins que la seule obligation reste celle de négocier, il est difficile d'avoir une obligation de résultats », reconnait Frédéric Belouze. Deux autres axes ont fait l'objet de discussions plus vives, mais ont finalement été adoptés, sur la retraite progressive (avec un âge d'accès fixé à 60 ans, au lieu de 62 ans à terme suite à la réforme des retraites) et l'instauration d'un « CDI seniors » rebaptisé « CDI de valorisation de l'expérience ». Ce nouveau contrat senior n'est cependant proposé qu'à titre expérimental et ne pourrait être pérennisé que suite à un accord unanime des partenaires sociaux.

Une « victoire symbolique » du dialogue social

Cet accord « seniors » reste donc modeste et doit encore être transposé dans la loi, dans un contexte politique incertain. Pierre Burban veut cependant voir le verre à moitié plein. « N'oublions pas que tout ce travail qui a été fait avait pour objectif, dans le contexte d'allongement des carrières, de créer les conditions pour que les salariés puissent rester dans l'emploi le plus longtemps possible. […] Et nous nous félicitons, dans cette période compliquée, d'avoir pu montrer que les partenaires sociaux étaient capables quand ils le voulaient d'être un pôle de stabilité et de confiance », souligne le secrétaire général de l'U2P. Jean-François Foucard, chef de file de la négociation pour la CFE-CGC, est bien moins enthousiaste. « Il s'agit juste d'une victoire symbolique, qui ne résout pas le problème des seniors. […] La seule disposition concrète pour les salariés est l'âge fixé à 60 ans pour l'accès à la retraite progressive, les autres ne pourront produire d'effets qu'à moyen ou long terme. […] Dans l'environnement actuel il était important de montrer que nous arrivions à nous entendre. Mais il faut avouer que sur la dimension de changer le monde du travail et apporter des évolutions à certains niveaux, la partie patronale n'est pas au rendez-vous », déplore le syndicaliste.