IA et formation : le colloque Synofdes/Urof porte un discours de la méthode

« Ni excès de pessimisme, ni excès d'optimisme », « ne pas sous-estimer ni sur-estimer »..., les propos de la vice-présidente déléguée du Synofdes, Muriel Pécassou, tenus pour introduire l'après-midi de débats dédiés à l'intelligence artificielle, témoignent d'une certaine ligne de crête à tenir pour les acteurs de la formation : ignorer l'essor des intelligences artificielles génératives paraît périlleux, organiser à la hâte une forme de grand remplacement sans réflexion approfondie sur les usages et expérimentation ouvre grand la porte à la perte de sens et à l'appauvrissement pédagogique.

IA et fonctions support

C'est précisément pour éviter cet écueil que la commission innovation du Synofdes, évoquée en table ronde, s'est emparé du sujet avec l'ambition de prendre le temps d'une réflexion collective. Démarche inhabituelle, plutôt que de chercher à produire une énième étude des usages de l'IA en formation, les travaux se sont concentrés sur les apports potentiels de l'IA aux fonctions support des organismes de formation. De fait, l'automatisation de tâches administratives jugées peu valorisantes et chronophages peut relever d'une démarche stratégique d'appropriation de l'IA plus consensuelle. Qui plus est, avec le mérite de préserver la valeur ajoutée du métier de formateur ainsi résumée par Muriel Pécassou : « rien ne remplace les interactions de face à face. »

Des risques à maîtriser

De leur propre expérience dans leurs organisations respectives, les participants notent quelques risques et opportunités. Pour Charlotte Lecoq, responsable d'ingénierie de formation digitale et ingénieure pédagogique multimodale chez Léo Lagrange Formation, c'est le sentiment d'un « super assistant » qui domine, par exemple pour répondre à des appels d'offre. Mais en conception pédagogique, elle souligne que cet assistant doit être supervisé. Il s'agit par exemple de contrôler les biais culturels qui conduisent l'IA à générer des scénarios avec des prénoms peu empreints de diversité, selon elle éloignés des réalités françaises contemporaines.

Des biais qui interrogent le réel

Louable mais reste qu'à observer la composition de la table ronde - Fabienne, Frédéric, Franck, Charlotte et Fabienne -, on pourra objecter que les algorithmes des IA ne fonctionnent pas totalement en roue libre. Mais si les biais ont le plus souvent une origine humaine, rien n'empêche de veiller à ce qu'effectivement, l'IA ne vienne pas les renforcer par ignorance d'une diversité que les données d'entrée ne lui permettent pas de percevoir. Attention donc, reprend Franck Combat, directeur général délégué de l'entreprise Solidarités et jalons pour le travail (SJT), à l'utilisation de l'IA dans le recrutement, qui pourrait elle aussi renforcer les  stéréotypes existants.

Assistant  pour tous ?

Pour tous, l'IA est un outil puissant - personne ne semble plus envisager de s'en passer -, mais dont la pertinence est très fortement corrélée au degré de maitrise des usagers. D'où l'appel de Fabienne Faude, animatrice de la commission Innovation du Synofdes et directrice du développement et partenariats chez Léo Lagrange Formation à former les formateurs. Mais là où certains réduisent la question de la compétence IA à la maitrise technique d'une technologie qui ne serait qu'un outil, Frédéric Rampion, responsable formations digitales et innovation chez Education & Formation, souligne la nécessaire « prise de recul et la capacité à disposer de repères socio-culturels » pour appréhender, comprendre et contextualiser une production IA.

Réapparait ici un avertissement souvent entendu : l'IA sera plus un danger qu'un atout pour qui l'utilise en dehors de sa sphère de compétences. L'enseignant-chercheur expert en IA et fondateur du cabinet Traindy^{[ 1 ]}Traindy, créateur d'innovations pédagogiques à impact, est membre du corner innovation Centre Inffo., Raphaël Grasset, invite-lui à bien distinguer l'ingénierie pédagogique, qui relève du « savoir prompter », de l'ingénierie de formation, qui suppose de bien poser « le cadre de réflexion stratégique que l'on se donne pour l'utilisation de l'IA en formation. »  À noter que Raphaël Grasset a créé une méthodologie d'acculturation des organismes de formation à l'IA sous forme de « fresque des IA pédagogiques » qu'il propose désormais en licence Creative Commons.

• Synofdes, syndicat national des organismes de formation : https://synofdes.org/
• FN-Urof, fédération nationale des unions régionales des organismes de formation : https://federation-urof.org/