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La loi de 2018 a fait de l'apprenti un salarié « presque comme les autres »
La réforme de 2018 a libéralisé et « déscolarisé » l'apprentissage, permettant aussi aux entreprises de créer leur propre offre de formation.
Par Sarah Nafti - Le 15 novembre 2024.
Pour Pierre Cahuc, professeur à Sciences Po et directeur de la chaire Sécurisation des parcours professionnels trois points sont déterminants quant à la réussite de l'apprentissage : le coût du travail, la réglementation du contrat de travail et la déconnexion entre l'offre de formation et la demande de l'entreprise. Le chercheur s'exprimait lors du séminaire Politiques de l'emploi sur « L'essor de l'apprentissage : quel bilan et quelles perspectives ? » organisé mardi 12 novembre au ministère de l'économie. Ces trois points contribuent à « l'essentiel des difficultés d'insertion », qui concernent surtout « les moins qualifiés ».
Trois catégories
En comparant avec d'autres pays, Pierre Cahuc a fait émerger trois catégories : d'abord « dans le système dual », « les jeunes préparent des diplômes spécifiques à l'apprentissage », qui sont « élaborés avec les branches » et nécessitent une implication forte des entreprises et des partenaires sociaux. Ce système ne repose pas sur un financement public. Ensuite, il y a le système dans lequel l'apprentissage est une voie d'études, comme en France, « où le diplôme peut aussi être préparé par une autre voie ». Enfin dans le troisième système, l'apprentissage n'est utilisé que de manière marginale pour une population éloignée de l'emploi. En France, si on compare le taux d'emploi 12 mois après un CAP (certificat d'aptitude professionnelle), la différence entre l'apprentissage et la voie scolaire atteint 20 points (70% en emploi après un apprentissage contre 50% sortis de bac pro). Mais il y a des nuances, souligne Pierre Cahuc : « les performances de l'apprentissage sont très différentes selon les formations mais aussi suivant l'établissement », ce qui peut être une piste de réflexion pour améliorer l'insertion.
Apprentissage moribond au début des années 70
« Au début des année 70, l'apprentissage était moribond, rappelle Jean-Pierre Willems, docteur en droit et consultant en droit de la formation. Pour le sauver, on l'a scolarisé. » Les formateurs et directeurs de CFA (centres de formation d'apprentis) étaient agréés par le rectorat et de fortes exigences pesaient sur les CFA. Cette « scolarisation » a permis de gagner en qualité, mais l'apprentissage reposait « sur un principe d'offres » : les entreprises devaient piocher dans ce qui leur était proposé. La loi de 2018 a constitué une rupture en libéralisant et déscolarisant l'apprentissage. « On a fait de l'apprenti un salarié presque comme les autres en rapprochant le droit du contrat d'apprentissage du droit du salariat ». Ainsi, jusqu'en 2018, les apprentis étaient la seule catégorie de salariés à ne pas pouvoir être licenciés. La logique est passée de l'offre à la demande, puisque désormais « la demande de l'entreprise est première » dans la constitution de l'offre de formation.
Secteur en tension
Ainsi, Anne-Léone Campanella, directrice générale du REAL Campus de L'Oréal, est venue présenter l'expérience de son entreprise qui a créé un campus pour former des étudiants post-bac aux métiers de la coiffure. Le Bachelor « entrepreneur de la coiffure » permet aux apprentis d'aborder les facettes techniques mais aussi l'entreprenariat ou encore le marketing. Le secteur est particulièrement en tension, puisqu'il manquait 10 000 coiffeurs en 2019 et que la formation principale restait le seul CAP coiffure. « La réforme de 2018 nous a permis de se lancer dans l'apprentissage pour combler des besoins ».