Célébration des 10 ans du compte personne de formation en présence de plusieurs ministres et anciens ministres du Travail, le 21 novembre 2024.

Célébration des 10 ans du compte personne de formation en présence de plusieurs ministres et anciens ministres du Travail, le 21 novembre 2024.

Le compte personnel de formation, un outil à la main des salariés… jusqu'à quand ?

La liberté de choisir son avenir professionnel. La promesse de la réforme de 2018 était belle et le CPF devait largement y contribuer. Alors qu'il souffle sa 10e bougie, nombre d'experts ont salué son rôle de facilitateur des entrées en formation lors d'un colloque organisé par le ministère du Travail et de l'emploi, le 21 novembre. Mais il risque de se voir réorienté vers des besoins en compétences plus collectifs qu'individuels dans les années à venir.

Par - Le 25 novembre 2024.

Aurélia est diplômée d'un master en marketing et commerce. Pendant 11 ans, elle mène sa carrière dans la distribution et le textile. Le confinement de 2020 l'amène à s'interroger. Et à décider de se réorienter, vers « un métier à impact ». Elle s'engage alors dans un bilan de compétences, puis, fin 2023, alors demandeuse d'emploi, elle se lance dans la formation qui va lui permettre de se reconvertir. Elle est aujourd'hui conseillère en rénovation énergétique performante. « J'ai financé mon bilan de compétences avec le CPF, puis utilisé ce qui me restait pour ma formation, raconte-t-elle. Je ne sais pas si j'aurais franchi le cap sans cette facilité de financement. Sans cela, je n'en serais pas là aujourd'hui. »

La jeune femme a témoigné de son parcours lors du colloque organisé au ministère du Travail et de l'emploi à l'occasion du 10e anniversaire du lancement du CPF, largement boosté ensuite par la loi de 2018 qui a réformé en profondeur la formation professionnelle. Cet outil visait à permettre à chacun de se former tout au long de sa vie, en prenant davantage la main sur les choix d'orientation et de cursus.

Coup de pouce à l'employabilité

Attirée par le potentiel d'amélioration de l'employabilité, la région Hauts-de-France a compté parmi les premières à vouloir abonder ce CPF. C'est ce qu'a rappelé Thibaut Douay, son directeur de la formation professionnelle : « L'engagement personnel s'avère plus fort que dans le cadre du suivi de formations collectives. Notamment parce que cela repose sur le volontariat, et parce que les bénéficiaires voient ce que cela coûte. Les retours à l'emploi sont ainsi meilleurs que sur d'autres programmes. » La Région peut abonder jusqu'à hauteur de 5 000 €, qui peuvent parfois s'ajouter à un cofinancement de France Travail. Et ainsi voir des parcours professionnels largement ou même en totalité financés.

Certaines branches, elles aussi, se sont emparées du CPF pour en faciliter l'accès à leurs salariés. Comme en a attesté Jean-Pierre Delfino, chargé de mission à l'Opco Santé qu'il a longtemps dirigé. « La formation est un levier important du dialogue professionnel dans notre secteur, où les rémunérations ne sont pas à notre main », explique-t-il. Aussi l'Opco a-t-il compté parmi les premiers à abonder le CPF de ses bénéficiaires.

Un objectif professionnel pour 80 % des bénéficiaires

Directeur de France Compétences, Stéphane Lardy a appuyé l'idée que contrairement à ce qui se lit et dit parfois, le CPF est bien utilisé à des fins professionnelles. Il en veut pour preuve deux études, publiées ce printemps. Huit sur dix des 6 800 répondants ont utilisé le CPF pour un usage professionnel. Sans pour autant, pour six d'entre eux sur dix, changer de métier. Mais neuf sur dix affirment utiliser ce qu'ils ont appris en formation dans leur cadre professionnel.

En somme, l'objectif qualitatif du CPF serait atteint. Mais avec deux milliards d'euros budgétés par an pour le CPF, mieux vaut que tous les salariés et demandeurs d'emploi n'aient pas tous en même temps envie de l'utiliser.

Vers un changement de philosophie ?

Autre nuance, l'arrivée du CPF a conduit les organismes de formation à repenser leurs cursus. Comme en a témoigné Bénédicte Fauvarque-Cosson, administratrice générale du Conservatoire national des arts et métiers : « Nous avons dû découper en blocs de compétences, et ça n'a pas toujours été facile. » Pour autant, elle s'est dite satisfaite que le CPF se voie de plus en plus fléché vers les formations adaptées aux besoins des territoires.

C'est la volonté politique actuellement affichée par le ministère. Quitte à ce que la philosophie initiale en prenne un coup, et à ce que le CPF serve moins des envies individuelles que des besoins collectifs en main-d'œuvre.