Le marché de la formation professionnelle dans l'expectative
Alors qu'un nouveau gouvernement a été nommé samedi 21 septembre, l'inquiétude monte dans l'écosystème de la formation professionnelle à la perspective de plus en plus probable d'une politique de rigueur budgétaire. Une seule certitude, une page de la réforme de 2018 se tourne.
Par Catherine Trocquemé - Le 23 septembre 2024.
Depuis la dissolution de l'Assemblée nationale en juin dernier, l'activité des ministères est au point mort. Après plusieurs semaines de tractations, le nouveau gouvernement constitué par Michel Barnier devrait s'installer cette semaine. A un moment où la réforme de 2018 cherche un nouvel équilibre, l'écosystème de la formation retient son souffle. « Notre profession sait s'adapter aux changements. Mais l'incertitude ou l'instabilité des politiques publiques nous inquiètent », confie Christopher Sullivan, président des Acteurs de la compétence, et instigateur des Certif days vendredi 20 septembre, en tant que directeur général d'ICDL. D'autres tirent la sonnette d'alarme. Après des investissements massifs, la tendance s'est progressivement retournée sans répondre à une vision politique claire et sans véritable concertation avec les acteurs. « La baisse des dépenses publiques met déjà nos adhérents en difficultés. Depuis la fin du Pic (Plan d'investissement dans les compétences), les disparités se sont accentuées entre les régions. Dans certaines d'entre elles, la situation commence à être critique », déclare Philippe Genin, président du Synofdes. L'effondrement brutal des commandes publiques dans le champ de la formation des étrangers, allant jusqu'à 90% en Paca (Provence-Alpes-Côte d'Azur) illustre un climat imprévisible qui fragilise les organismes de formation positionnés sur ces marchés.
Des coupes budgétaires
L'annonce à la rentrée d'un déficit record à 5,6% du PIB (produit intérieur brut) en 2024 ouvre une période de frugalité budgétaire. Si le débat sur le prochain projet de loi de finances 2025 pourrait bien être repoussé au 9 octobre, des chiffres fuitent déjà. Le ministère du Travail ferait partie des ministères les plus touchés par cette cure d'austérité. Des aides pourraient ainsi être conditionnées à la taille des entreprises ou au niveau de certification professionnelle préparée. Un récent rapport de l'Igas propose différentes pistes. Les représentants de l'apprentissage sont sur cette ligne. Les Acteurs de la compétence dont les adhérents représentent l'ensemble de la chaîne de valeur de la formation campent sur leur position. « Nous sommes conscients du contexte budgétaire tendu. Mais nous ne sommes pas favorables à des réductions différenciées de l'aide publique. Nous avons avant tout besoin de simplification et restons attachés à l'esprit de la réforme de 2018 sur la liberté de choisir son avenir professionnel », réaffirme Christopher Sullivan.
Une régulation nécessaire
La conjoncture accentuera un mouvement de régulation initié en 2022. Ces deux dernières années, les mesures se succèdent pour mieux encadrer les marchés, améliorer la qualité et contenir des dépenses publiques en roue libre. Les représentants des organismes de formation accompagnent les efforts. « Il y a de la concertation autour de l'évolution des contrôles des Opco dans l'apprentissage. Nous sommes favorables à l'intégration de critères pédagogiques et à une attention portée aux pratiques des entreprises », confirme Philippe Genin. Les marchés dont celui du CPF tout particulièrement visé par la contre-attaque du régulateur sont devenus moins accessibles. « Le renforcement de la régulation et les évolutions régulières de l'environnement réglementaire impliquent souvent une réorganisation interne et de nouvelles compétences en gestion administrative ou en qualité », note Christopher Sullivan.
Des commandes publiques à repenser
Dans ce contexte, les formateurs indépendants, nombreux dans le secteur, se sentent fragilisés. « Nous devons nous faire entendre et rappeler nos contraintes sur des sujets comme les contrôles ou encore la sous-traitance », déclare Martine Guérin, présidente du Sycfi. La fédération pointe également le durcissement des commandes publiques. Plus complexes et plus exigeantes, elles ne laisseraient pas leur chance aux formateurs indépendants. « Les modalités d'achat des commandes publiques sont de plus en plus difficiles et n'offrent pas assez de visibilité », note, de son côté, Philippe Genin. Autre point de vigilance évoqué par les professionnels, la priorité des politiques publiques d'aller chercher les publics les plus éloignés de l'emploi ne s'accompagne pas du financement nécessaire au sourcing et à l'accompagnement adaptés.