Le Sénat suggère de mieux accompagner le déploiement de l’IA éducative

La Délégation à la prospective du Sénat vient de publier un rapport thématique Intelligence artificielle et éducation dans le cadre de ses travaux sur l'IA et l'avenir du service public. Un équilibre est à trouver entre recours à l'IA et préservation des efforts cognitifs.

Par - Le 08 novembre 2024.

Pour les sénateurs auteurs[ 1 ]Christian Bruyen, sénateur de la Marne (app. LR) et Bernard Fialaire, sénateur du Rhône (RDSE). du rapport IA et éducation, la question n'est plus de savoir s'il convient de faire une place à l'IA dans l'éducation mais de « savoir comment accompagner et répondre aux enjeux de l'éducation par et à l'IA. » Car en dépit d'un consensus sur la pertinence de nombreux cas d'usage (enseignement adaptatif, aide à l'évaluation, ingénierie pédagogique, ...), le rapport déplore une « appropriation des outils par les acteurs du système éducatif – enseignants, élèves, établissements -, encore très inégale. » Après une première partie dédiée à l'exploration du potentiel d'innovation de l'IA pour l'accès au savoir et les apprentissages, le rapport s'intéresse aux conditions d'une intégration efficace et responsable.

Accompagner, former, évaluer

Tout en réaffirmant la « place centrale » des enseignants dans le processus éducatif, le rapport appelle à « faire la démonstration scientifique » des apports positifs de l'IA pour la montée en compétences des apprenants et la transformation des façons d'enseigner. Pour les sénateurs, trois axes d'action sont à suivre : premièrement, mieux accompagner les acteurs de l'enseignement par la définition d'un cadre d'usage et un accès facilité aux outils disponibles ; deuxièmement, former plus massivement et favoriser l'émergence d'une culture citoyenne de l'IA, à l'école et en dehors de celle-ci ; troisièmement, évaluer les outils, approfondir la recherche et expérimenter.

Une préoccupation internationale

Le rapport cite une enquête Unesco de 2023[ 2 ]Unesco, Survey for the governmental use of AI as a public good for education, 2023 . pour relever que « seuls sept pays (Chine, Espagne, Finlande, Géorgie, Qatar, Thaïlande, Turquie) avaient déclaré avoir élaboré ou être en train d'élaborer des cadres ou des programmes de formation sur l'IA à l'intention des enseignants. » Au-delà de cette dimension déclarative, les sénateurs observent par ailleurs un réel intérêt pour l'IA et l'éducation dans le monde anglo-saxon et relève, pour l'Hexagone, les « efforts substantiels » produits dans le cadre de France 2030 et le rôle d'accélération des appels à manifestation d'intérêt Compétences et métiers d'avenir (CMA). Tout en saluant l'intention portée par les partenariats d'innovation IA (P2IA,  voir encadré), la Délégation à la prospective relève aussi un « succès mitigé » en termes de retour sur investissement.

Où est la stratégie ?

De façon générale, manque cependant à leurs yeux « des lignes directrices claires et un cadre de confiance. » D'où la nécessité d' « une attention accrue [qui] devra être portée à l'accompagnement et la formation des acteurs, l'émergence d'une culture citoyenne de l'IA et la poursuite de l'évaluation des outils disponibles et de la recherche. » En l'espèce, le rapport évoque une « terra incognita » que la seule notation des outils par les utilisateurs ne permet pas d'explorer. Il apparaît que les systèmes d'IA générative se sont déployés à grande vitesse, sans réflexion sur les usages. Ceux-ci doivent être éclairés par le temps long de la recherche scientifique, qui pourrait bénéficier de la création d'un « observatoire public de l'IA à l'école. »

Apprendre avec l'IA

Pour développer la formation et l'émergence d'une culture citoyenne de l'IA, le rapport recommande principalement d'inclure l'IA dans la formation initiale et continue du corps éducatif et de doter les élèves et les citoyens d'une culture générale de l'IA. L'outil Pix devrait être mobilisé en ce sens, avec l'intégration d'un module d'IA au programme d'acquisition de la certification Pix. Peu disert sur la question des contenus d'un curriculum IA qui reste à définir, le rapport pointe par ailleurs un risque de « court-circuitage» par l'IA de l'effort cognitif nécessaire à un apprentissage efficace. Est notamment souligné la nécessité d' « apprendre à apprendre et [de] maintenir une motivation intrinsèque à apprendre. » À intégrer dans les futurs modules d'acculturation citoyenne à l'IA ?

PARTENARIATS D'INNOVATION IA – P2IA
Lancés en 2018, les partenariats d'innovation IA (P2IA) ont financé à hauteur de 17,76 millions d'euros la mise à disposition d'outils numériques pour l'apprentissage personnalisé du français et des mathématiques en milieu scolaire. En 2024, trois nouveaux P2IA sont en cours (16 millions d'euros pour le français/mathématiques avec extension aux langues vivantes) ou en projet (20 millions d'euros pour les apprentissages fondamentaux des élèves et, côté enseignants, pour l'assistance au suivi et analyses, évaluations et corrections, production d'activités ; 14 millions d'euros pour un projet « gestes enseignants » du secondaire et éventuellement du supérieur jusqu'à bac +3).
(source : p. 23 à 25 du rapport)

Notes   [ + ]

1. Christian Bruyen, sénateur de la Marne (app. LR) et Bernard Fialaire, sénateur du Rhône (RDSE).
2. Unesco, Survey for the governmental use of AI as a public good for education, 2023 .