L'enjeu de la reconversion des salariés des Jeux
La cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques de Paris 2024 se déroule ce vendredi 26 juillet. Afin que les salariés et bénévoles des JO capitalisent sur les compétences acquises durant l'événement, une plateforme vient d'être créée. Les sportifs participant aux épreuves sont (ou seront le moment venu) eux-aussi concernés par les problématiques de reconversion. Ils peuvent mettre en avant d'intéressantes compétences comportementales.
Par Eric Delon - Le 26 juillet 2024.
Riches d'une expérience professionnelle, sans doute exceptionnelle, les travailleurs et bénévoles qui participeront aux Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de Paris 2024 doivent pouvoir légitimement se projeter dans l'après, et valoriser leurs acquis. Un impératif, sachant que l'ensemble des emplois créés pour ces jeux – 180 000 au total – ne seront pas pérennisés.
L'Île-de-France, concernée par 150 000 de ces emplois, a anticipé le phénomène. Le Conseil régional a lancé au mois de juin une plateforme en ligne baptisée “Emploi post JOP", en partenariat avec France Travail. “Nous souhaitons aider ces salariés et ces bénévoles à se réorienter et à se reconvertir. On estime que 35 000 personnes en CDD et 45 000 bénévoles risquent de rester « sur le carreau » à la fin des épreuves si on ne les accompagne pas. Les Jeux doivent laisser un héritage positif en matière d'emploi", plaide Othman Nasrou, vice-président chargé de la jeunesse, de l'orientation et de l'insertion professionnelle au Conseil régional.
Parcours de formation complémentaire
Après le dépôt de son CV sur la plateforme et un entretien individuel, chaque candidat se verra proposer un parcours de formation complémentaire et/ou des offres d'emplois en lien avec ses compétences, ainsi qu'un suivi dans la durée en cas de difficulté d'accès à un emploi durable. “Un travailleur doit pouvoir trouver un emploi en lien avec les compétences apprises et mobilisées pour l'événement. Un agent de sureté et de sécurité lors des Jeux pourra, par exemple, devenir agent des brigades régionales de sécurité dans les transports ou les lycées, agent de sureté aéroportuaire, ou encore agent de sécurité incendie", poursuit Othman Nasrou.
Les salariés engagés dans la filière sécurité pourront, notamment, bénéficier d'un accompagnement et d'une préparation au concours de police. Le dispositif aidera également à identifier des passerelles vers d'autres métiers et à repérer les formations susceptibles de les aider à changer de voie. Le Conseil régional confie avoir réussi à convaincre une trentaine d'entreprises, dont certaines du Cac 40, telles que Sodexo ou la Société Générale, de rejoindre cette initiative et de proposer des offres d'emploi sur la plateforme.
La reconversion concerne également les sportifs
Outre les travailleurs et les bénévoles, la reconversion professionnelle concerne également les sportifs de haut niveau (SHN)1 dont la fin de carrière représente un risque, notamment financier. C'est ce que révèle une étude de l'Association pour l'emploi des cadres (Apec)2 parue en avril 2024. Elle pointe que 80 % de ces sportifs traversent des phases de dépression suite à l'arrêt de leur carrière sportive.
Malgré des améliorations notables, notamment depuis la loi Braillard de 2015, qui reconnaissait le rôle social de ces sportifs d'exception et leur assurait une protection juridique, les parcours de reconversion des SHN vers des métiers cadres apparait toujours aussi compliqué. “Les SHN affrontent la difficulté matérielle à mener une double charge de travail et des formations peu adaptées au rythme d'entraînement et de compétitions", écrivent les auteurs, qui confirment que le choix de poursuivre des études supérieures relève souvent du parcours du combattant. L'éventail de formations réellement adaptées de niveau bac + 5 s'avère limité et peu représentatif, en se concentrant sur un nombre restreint d'établissements de formation.
Compétences transférables
L'étude de l'Apec rappelle pourtant que les athlètes développent, tout au long de leur carrière sportive, un certain nombre de soft skills (compétences comportementales) prisées dans l'univers professionnel : la résilience, la persévérance, l'aptitude au management et à la gestion d'équipe, ou encore la culture du résultat. Autant de compétences transférables vers les fonctions commerciales, la communication, l'informatique, l'ingénierie, les ressources humaines, etc.
Ces sportifs et ces sportives ont le sentiment de mener un “combat solitaire" face aux quatre grands acteurs impliqués dans leur double projet et dans le processus de reconversion : les instances sportives (fédérations, clubs, syndicats), les organismes de formation initiale et continue, les entreprises3, l'État, les collectivités territoriales et, enfin, les services publics de l'emploi. “Les SHN, qui ont été en général en contact avec chacun des acteurs isolément, signalent une forme d'étanchéité et un manque de communication entre ces structures qui interviennent dans la préparation de leur reconversion", constate l'étude de l'Apec.
Aménagement des formations
Quelques établissements de formation seulement sont fréquemment cités pour leurs cursus réellement adaptés aux contraintes des SHN. Il s'agit souvent d'écoles de commerce ou d'ingénieurs qui communiquent sur ce positionnement et qui ont mis en œuvre un aménagement des formations : cours en distanciel, durée de scolarité assouplie (étalement, dédoublement des années), périodes d'examen concentrées et en dehors des phases de compétition... Conscient de cette problématique, l'Apec a lancé, en collaboration avec le Comité national olympique et sportif français (CNOSF), un programme de mentorat baptisé “Parcours reconversion athlètes". Pour que la grande fête des Jeux ne soit pas gâchée.