Françoise Amat, ancienne présidente de la commission certifications professionnelles de France compétences. © Philippe Chagnon

Françoise Amat, ancienne présidente de la commission certifications professionnelles de France compétences. © Philippe Chagnon

Les certifications professionnelles, d'un système à l'autre

En cinq ans, les certifications professionnelles ont pris du poids dans l'écosystème de la formation. Devenues un élément structurant des modèles économiques, un outil de régulation et un levier de mobilité, elles représentent aujourd'hui un rouage essentiel des politiques publiques. Présidente de la commission de la certification professionnelle de France compétences de 2019 à 2024, Françoise Amat revient sur le premier acte d'une réforme structurelle.

Par - Le 15 mai 2024.

Moins visible que celles de l'apprentissage et du CPF (compte personnel de formation), la réforme des certifications professionnelles a pourtant profondément changé la place et le rôle des deux répertoires nationaux [ 1 ]Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) et Répertoire spécifique (RS). dans l'écosystème de la formation. « D'un sujet pour spécialistes, elles sont devenues un enjeu politique et économique », confirme Françoise Amat, première présidente de la commission de la certification professionnelle de France compétences de 2019 à 2024 [ 2 ]Françoise Amat est membre du conseil d'administration de Centre Inffo, au titre des personnalités qualifiées..  Durant son mandat, au cours duquel se sont tenues 60 séances plénières, un nouveau système s'est mis en place, créant une rupture dans les pratiques des certificateurs. La loi Avenir professionnel portait des ambitions fortes. Sur des marchés libéralisés et désintermédiés, l'offre devait gagner en lisibilité, en qualité et en rigueur dans ses process. Dans une économie en pleine transformation, elle devait également mieux répondre aux évolutions rapides des compétences attendues par les entreprises tout en sécurisant l'insertion et la mobilité professionnelles des individus. « La certification professionnelle reste un repère social fondamental ». Cette conviction a guidé toute la carrière de Françoise Amat dans ses fonctions au sein de différents cabinets ministériels, à la DGEFP (Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle) et au moment fort de la loi de modernisation sociale de 2002 qui a donné naissance à la validation des acquis de l'expérience (VAE) et au répertoire national des certifications professionnelles. A la tête de la toute nouvelle commission, elle participera à un nouvel acte fondateur. « Avec la loi Avenir professionnel, nous sommes passés d'un système de certification professionnelle à un autre ».

Un cadre juridique et des process solides

Pour engager cette transformation, le législateur pose un nouveau cadre juridique inscrit dans le code du travail avec des définitions claires et des critères d'enregistrement précis. La gouvernance revisitée et rattachée à l'instance nationale de régulation France compétences s'appuie sur une direction de la certification professionnelle chargée de l'instruction des dossiers et d'une commission - dont les membres nommés par arrêté ministériel représentent les acteurs de la formation - chargée de rendre des avis conformes sur les demandes d'enregistrement des certifications privées et paritaires. Une assise juridique et une répartition des rôles nécessaires face à l'afflux des dossiers et aux nouvelles exigences en matière d'ingénierie de certification, de valeur d'usage et de professionnalisation des pratiques. Le durcissement des règles et le niveau des attendus déstabilisent le « landerneau » des certificateurs. La pression est d'autant plus forte que le marché de la formation vit dans le même temps une transformation majeure. Attirés par la dynamique du CPF et de l'apprentissage, beaucoup cherchent à se doter de ce sésame, d'autres en font un élément clé de leur modèle économique. « Nous avons appris en marchant. Nous avons construit une dynamique positive avec la direction de la certification professionnelle et pris conjointement des initiatives pour réduire les délais de traitement des dossiers, construire un corpus de principes afin de préciser les attendus, approfondir la définition des blocs de compétences ou encore les règles de l'évaluation ».

Un corpus de doctrines structurant

C'est autour de ces notes de doctrine réunies dans le vadémécum du RNCP et celui à venir du RS (répertoire spécifique) que se structure progressivement une nouvelle orthodoxie. « Ce travail a fait naître des débats intéressants au sein de la commission sur le contenu des référentiels, l'architecture en blocs de compétences, les niveaux de qualification à attribuer, les relations entre formation, certification et valeur d'usage ou encore la place des soft-skills ». Les instructeurs de la direction de la certification organisés par filières économiques correspondant aux opérateurs de compétences ont renforcé leurs liens avec les certificateurs, émettant des recommandations et explicitant les raisons d'un refus d'enregistrement. « Il fallait agir sur toute la chaîne de valeur. Nous avons observé une nette amélioration des dossiers ».  Certains sujets restent toutefois d'actualité. La régulation a touché l'animation par les certificateurs de leurs réseaux d'organismes de formation habilités à former et/ou à évaluer. Les détenteurs de certifications professionnelles ont dû professionnaliser leurs pratiques en matière de contrôle et d'accompagnement de leurs partenaires. Des marges de progression existent. D'autres chantiers s'ouvrent comme celui de la correspondance entre blocs de compétences ou de l'harmonisation des règles entre les enregistrements de droit et sur demande. Les fondations ont été posées. Mais pour que les certifications professionnelles jouent pleinement leur rôle dans la construction de parcours de mobilité professionnelle, il faudra, selon Françoise Amat « mieux penser l'articulation entre certification, formation et validation des acquis d'expérience ».

 

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La régulation à l'oeuvre

  • Au total, fin 2023, les certifications actives enregistrées ( de droit et sur demande) sont de l'ordre de 6 000 contre 10 000 fin 2018
  • Pour les certifications enregistrées sur demande, les certifications actives sont de l'ordre de 2 900 fin 2023 certifications actives (contre 4 400 fin 2018) dont 1 900 pour le RNCP (avec un taux moyen d'acceptation de 53%) et 1 000 pour le RS (avec un taux moyen d'acceptation de 18%)
  • Sur les métiers émergents depuis 2019, 61 métiers ont figuré au moins une année sur la liste et ont généré 433 demandes d'enregistrement et 118 nouvelles certifications professionnelles au RNCP

 

Notes   [ + ]

1. Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) et Répertoire spécifique (RS).
2. Françoise Amat est membre du conseil d'administration de Centre Inffo, au titre des personnalités qualifiées.